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jeudi juillet 16, 2015

Rapport sur l’amiante, où en est-on ?

Aline Archimbaud est Sénatrice de Seine-Saint-Denis et Vice-Présidente de la Commission des Affaires sociales du Sénat. Elle a présidé le comité de suivi sur l’amiante mis en place en février 2013 dont les conclusions ont été rendues en juillet 2014.

Quels ont été les constats faits par le comité de suivi  ?
Aline Archimbaud : Le comité de suivi amiante a été créé en février 2013. Il a regroupé des sénateurs et sénatrices de tous les groupes politiques. Nous avons auditionné des associations de victimes, des professionnels du diagnostic et du désamiantage, des médecins, des syndicats, les directions des nombreux ministères concernés, des architectes, des travailleurs du bâtiment, des organismes d’indemnisation des victimes… En tout, nous avons fait 40 auditions.
Tout d’abord, nous avons constaté que des progrès importants concernant l’indemnisation des victimes avaient été réalisés, même s’il reste encore beaucoup à faire. Nous nous sommes surtout penchés sur la question du désamiantage. La situation est inquiétante et nous tenons à en alerter nos concitoyen-nes et les élu-es. L’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) prévoit que l’amiante, interdit en France très tardivement (en 1997 alors qu’il avait été classé cancérigène certain par l’OMS en 1977), aura fait 100 000 morts dans notre pays en 2050. Et la situation pourrait être encore plus catastrophique ! Les syndicats, les associations et les médecins nous ont alertés sur le fait que, si rien n’est fait très rapidement, une deuxième épidémie pourrait être constatée chez les travailleurs du désamiantage et, de manière plus générale, chez tous les travailleurs du bâtiment. Les particuliers bricoleurs peuvent également être touchés. Tous les bâtiments construits avant 1977 sont susceptibles de contenir de l’amiante et nombreux sont ceux qui en contiennent effectivement.

Quelles ont été les propositions faites par le comité de suivi ?
Aline Archimbaud : Le comité de suivi a fait quatre séries de propositions. Tout d’abord, il est indispensable de mettre en place d’urgence un pilotage national interministériel pour élaborer une stratégie nationale avec un calendrier et des priorités (sans doute sur plusieurs décennies) en créant une structure de coordination interministérielle rattachée au Premier Ministre. Il est également essentiel d’instituer une mission d’appui pour les maîtres d’ouvrages publics, de flécher les crédits vers la recherche et développement et de créer une plateforme internet unique sur le risque amiante à destination de tous les publics.
Le second axe est celui du repérage de l’amiante. Cela implique une formation très rigoureuse des diagnostiqueurs. Il faut également informer l’ensemble des professions du bâtiment des risques liés à ce matériau et créer une base de données internet avec tous les Dossiers techniques amiante (DTA).
La sécurité des travailleurs exposés à l’amiante est le troisième axe développé par le comité de suivi. Les organisations professionnelles doivent sensibiliser leurs adhérents à ce risque, le rôle des Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ainsi que celui des inspecteurs du travail doit être renforcé.
Enfin, le comité de suivi a fait des propositions pour mieux protéger la population en général en demandant l’abaissement du seuil d’amiante dans l’air déclenchant des travaux de désamiantage, une meilleure information des particuliers sur la gestion des déchets (et notamment sur les endroits et les précautions à prendre pour jeter ses déchets amiantés), en cherchant les moyens d’aider les employeurs publics à contacter les agents susceptibles d’avoir été exposés à l’amiante dans leur carrière. Il est également indispensable de renforcer les effectifs de l’INVS.

Que dire de la situation des élu-es vis-à-vis du risque amiante ?
Aline Archimbaud : Nombreux/euses sont les élu-es qui nous contactent. Ils et elles se sentent très souvent bien seul-es quand des parents d’élèves dont les enfants pourraient être dans une école amiantée, des locataires d’offices HLM ou des riverains d’une friche amiante les appellent. Ils et elles ont besoin de soutien. L’absence de formation et d’information des élu-es et des services qui traitent des appels d’offre et des cahiers des charges pour les rénovations des bâtiments publics rendent leurs choix difficiles et les amènent souvent à choisir le devis le moins coûteux, le mieux-disant financier. Or si le diagnostic amiante est mal fait au départ, et nous avons constaté que c’est parfois le cas, il faut arrêter le chantier en cours dès qu’on trouve de l’amiante qu’on n’avait pas anticipé. Cela a un coût catastrophique ! Et les bâtiments qui vieillissent couplés aux nombreux appels des pouvoirs publics à rénover notamment thermiquement font qu’on tombe souvent sur de l’amiante sans avoir été bien préparé. Le diagnostic de qualité doit donc être un préalable indispensable.
L’absence de pilotage national et de soutien technique mets les collectivités locales et les concitoyen-nes devant des incertitudes technique, juridique et financière face auxquelles beaucoup sont tentés de cacher le problème, ce qui est catastrophique du point de vue sanitaire.
Le comité de suivi a insisté sur le fait qu’il ne faut pas rajouter encore des dispositions législatives. En effet, la législation française est déjà assez exigeante sur beaucoup de points comparée à celle de nos voisins européens. Le premier problème est que l’appui technique, le suivi et les contrôles sur le terrain sont assez faibles. On peut noter quelques avancées toutefois, comme la mise en place de prêts spécifiques au désamiantage par la Caisse des Dépôts à destination de divers opérateurs publics et des communes. Malheureusement, le principe du pollueur payeur ne s’applique pas dans le cas de l’amiante.
Si nous avons, au sein du comité de suivi, fonctionné au consensus entre tous les groupes politiques, nous sommes déçus du peu de réactivité des services du Premier Ministre, un an après la publication de notre rapport. L’Etat doit être mis devant ses responsabilités et nous continuerons dès la rentrée à porter nos propositions. Nous avons toujours refusé d’avoir une optique anxiogène. Au contraire, nous voulons rassembler les savoir-faire pour avancer. Il y en a pour des années !
Je suis prête à organiser avec la FEVE des séances d’information au Sénat et à porter la parole des collègues élu-es qui le souhaitent et qui sont confronté-es aux problèmes du désamiantage.

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r13-668-syn.pdf

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r13-6681.pdf