ACTUALITÉS

jeudi janvier 22, 2015

Les territoires ruraux : passer de l’ère de l’aménagement à celle du développement

Patricia Andriot, élue locale en milieu rural (première adjointe d’une commune de 350 habitants et présidente de la commission cadre de vie du conseil communautaire local – 53 communes, 8500 habitants) et membre du bureau de la FEVE, a participé, en Auvergne, au lancement du nouveau réseau rural national. Elle revient pour nous sur les débats et les enjeux de cette journée.

Qu’est ce que le « Réseau rural » ?
Patricia Andriot : Il s’agit d’un dispositif développé en 2007, suite à la mise en place du règlement de développement rural européen. Sa fonction première est de fédérer, au cœur même des territoires ruraux, les différents acteurs impliqués dans leur développement de manière à renforcer l’approche multisectorielle et transversale des projets. L’imbrication des échelons régional, national et européen offre la possibilité de donner un plus large écho aux bonnes pratiques, aux initiatives exemplaires. Cela permet aussi de mieux connaître les différents leviers à disposition, notamment les moyens de financement, les fonds européens (FEADER) en particulier. On compte 26 réseaux régionaux (21 sur le territoire métropolitain, un en Corse et un dans chaque Département d’Outre Mer) regroupés au sein d’un réseau rural national. Ce dernier est co-piloté par le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (MAAF) et la Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (DATAR). Ces réseaux sont à l’échelle des régions des bons vecteurs d’échanges entre des acteurs d’origines diverses, de formation collective mais aussi de conduite de projets en communs.

Le séminaire du 28 novembre dernier a souligné l’émergence d’une nouvelle logique de développement…
Patricia Andriot : Aujourd’hui, de nombreux territoires ruraux ne veulent plus être considérés comme « relégués ». Ils se projettent, à leur échelle, comme des contributeurs aux défis que sont la transition énergétique, la production agricole, les services aux personnes, l’économie solidaire…
Bien au-delà de la seule logique de l’aménagement bétonneur, les véritables clefs de l’innovation se portent davantage sur l’agencement des acteurs (le collectif, la coopération, la mise en réseaux), la réappropriation démocratique, la relation rééquilibrée entre ville et campagne, l’ambition, la communication et l’image, l’accès au numérique… De nombreuses initiatives présentées lors de ces rencontres étaient enthousiasmantes : tout à la fois innovantes, adaptées aux besoins locaux et créatrices d’emplois ; elles allaient vraiment dans le bons sens !

Nouvelle logique qui se confronte pourtant à la réalité encore bien ancrée d’un modèle à bout de souffle…
Patricia Andriot : Tout cela est séduisant, facilement compris et partagé entre acteurs concernés et convaincus… mais passé à la moulinette de la réalité, on se confronte encore à de sérieuses difficultés de mise en œuvre ! Au-delà des discours séduisants, force est de constater que la réalité des outils de financements nouvelles générations (contrats de plan en discussion – CPER – fonds européens, politiques nationales et régionales) sont tous régis par des règles qui privilégient concentration des crédits et investissements dans du dur… les mécanismes obligatoires de cofinancement comme les règles comptables liées à l’investissement où les habitudes n’incitent pas à mettre de nombreux moyens sur l’ingénierie prospective des territoires…
De même que la gestion partagée actuelle de ces fonds, tout comme la vision actuelle de la démocratie participative, qui fonctionne par comités et commissions , au sein desquelles , la place est d’abord faite en fonction du poids démographiques et institutionnels … chambre d’agriculture, syndicats agricoles dominants, représentants des collectivités…sont bien associés aux décisions… c’est plus difficile quand on est petite association locale, innovante mais émergeante…
Enfin, bien que reconnues ces nouvelles solutions locales, sont souvent soutenues davantage dans une logique de vitrine que de vecteur de transformation sociale.. On soutient ces initiatives à la marge quand on continue de mettre dans le même temps massivement des moyens dans les vieilles solutions, plus rassurantes mais qui empêchent souvent la transformation du système… Qui a dit que pour traverser des océans, il fallait accepter de cesser de voir la côte ?