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jeudi février 4, 2016

Les collectivités territoriales au coeur de la transition énergétique

Ronan Dantec est sénateur. Chef de file pour le groupe écologiste sur la transition énergétique, il a présidé le groupe de travail Gouvernance du débat national sur la transition énergétique qui s’est réuni pendant une année en vue de contribuer à l’élaboration de la loi de transition énergétique.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015 fournit un cadre à l’action des collectivités locales, en cohérence avec les compétences de l’Etat. Elle rend obligatoire les Plans climat air énergie territoriaux (PCAET) pour toutes les intercommunalités.
La loi oblige les collectivités à prendre en compte « la stratégie bas carbone » dans leurs documents de planification et conditionne systématiquement le niveau de soutien financier des projets publics à un « critère de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ».
Elle acte la prééminence des régions et des intercommunalités dans la mise en oeuvre de la transition énergétique.

Intercommunalités

PLANS CLIMATS

Ce qui change

Les Plans Climat Air Energie Territoriaux (PCAET) seront désormais élaborés à
l’échelle intercommunale ou à l’échelle du schéma de cohérence territoriale (SCoT). Leur durée passe de 5 à 6 ans. Ils devront être cohérents avec les objectifs internationaux de la France, ce qui les rendra plus ambitieux. Ils devront intégrer un volet sur la qualité de l’air, enjeu majeur de santé publique.
La loi prévoit les objectifs suivants :

  • diminution de 50 % de la consommation d’énergie finale d’ici 2 050 par rapport à 2012 avec un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;
  • 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie
    en 2020 et 32 % en 2030 soit 40 % de la production d’électricité ;
  • 38 % de la consommation finale de chaleur ;
  • 15 % de la consommation finale de carburant ;
  • et 10 % de la consommation de gaz.

Élaborer un Plan climat

Ronan Dantec : « Le portage politique est la clé de la réussite d’un plan climat. L’élu-e en charge doit l’utiliser comme un outil de mobilisation large et transversal de la collectivité et de tous les acteurs du territoire. Pendant toute sa conduite et dès son lancement, il est important d’organiser la concertation et le travail en synergie de tous les acteurs publics et privés, et de mener des actions de communication, de suivi et d’évaluation. »

Étape 1 : Préfigurer

Afin de se doter de toutes les conditions de succès, la collectivité

  • s’organise en interne ;
  • procède au calibrage du projet ;
  • engage la concertation dans la durée et créé les outils pertinents d’information du public.

Étape 2: Diagnostiquer et mobiliser

La collectivité réalise le Profil climat du territoire et pilote la démarche de
co-construction afin

  • d’identifier la vulnérabilité et les atouts de son territoire face au changement
    climatique ;
  • de connaître ses émissions de gaz à effet de serre ;
  • d’identifier les actions pouvant être mises en oeuvre immédiatement.
Ronan Dantec : « Les arguments pour convaincre peuvent autant porter sur les bénéfices économiques, les perspectives de créations d’emploi ou les avantages sur la qualité de vie et la santé, en s’appuyant notamment sur le volet qualité de l’air du plan climat. »

Étape 3 : Planifier un PCAET

La collectivité définit des objectifs chiffrés et élabore un plan d’actions à plusieurs niveaux qui inclut :

  • un document-cadre d’orientation à long terme pour l’ensemble du projet ;
  • un plan de financement (recettes disponibles, retours sur investissement, fonds de garantie etc.)
  • un programme pluriannuel des actions relevant des responsabilités et compétences de la collectivité (services rendus à la population), de ses partenariats et des actions conduites de façon indépendante par les acteurs du territoire.

Étape 4 : Mettre en oeuvre et suivi

Cette phase opérationnelle s’accompagne d’un renforcement des actions de communication et de suivi.
L’ADEME met son expertise à disposition des collectivités et peut éventuellement les soutenir financièrement. Il convient aussi de se rapprocher des agences régionales ou locales de l’énergie.

Actions menées par les EPCI dans le cadre des PCAET :

  • Amélioration de l’efficacité énergétique ;
  • Développement de manière coordonnée des réseaux de distribution d’électricité, gaz, chaleur ;
  • Augmentation de la production d’énergies renouvelables ;
  • Valorisation du potentiel en énergie de récupération ;
  • Actions de maitrise de l’énergie vis-à-vis des consommateurs finaux ;
  • Prise en charge possible, en tout ou partie, des travaux d’isolation, de régulation thermique ou de régulation de la consommation d’énergie ou de l’acquisition d’équipements domestiques à faible consommation ;
  • Information du public et mise à disposition d’outils financiers.
À NOTER

Les opérateurs de distribution d’électricité, de gaz et de produits pétroliers sont tenus de fournir aux personnes morales en charge d’élaborer les PCAET
les données de consommation de leurs clients.

Urbanisme et construction

  • Les Plans locaux d’urbanisme (PLU) doivent prendre en compte les PCAET.
  • Possibilité pour le PLU de définir des secteurs dans lesquels il impose de
    respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées par
    rapport à la Réglementation Thermique en vigueur (aujourd’hui RT2012). Le
    PLU peut aussi imposer une production minimale d’énergie renouvelable.
  • Possibilité de déroger aux règles du PLU pour la mise en oeuvre d’une isolation de façade, une isolation par surélévation de toiture ou des protections solaires.
  • Les documents d’urbanisme doivent désormais prendre en compte les
    réseaux d’énergie.
  • Obligation d’exemplarité énergétique et environnementale des constructions
    neuves sous maîtrise d’ouvrage publique.
  • Les collectivités territoriales peuvent bonifier leurs aides financières ou
    octroyer prioritairement ces aides aux bâtiments à énergie positive ou qui font
    preuve d’exemplarité énergétique et environnementale.
Articulation des plans et schémas entre eux

Une articulation est nécessaire entre les documents de planification aux échelles régionale et intercommunale.

  • En effet, les SCoT, PLU, PDU, chartes de PNR, PCAET doivent prendre en compte les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable
    et d’égalité du territoire (SRADDET)[[Appelé Schéma Directeur de la Région Ile-de-France (SDRIF) en Ile-de-France]].
  • De même, les PCAET doivent être compatibles avec les SRCAE et prendre en compte les SCoT.
  • Enfin, les PLU sont compatibles avec les SCoT et doivent prendre en compte les PCAET. Ainsi, l’augmentation du niveau d’ambition du PCAET (via ses objectifs) va se répercuter sur le niveau d’ambition « climatique » des PLU.

Régions

Le schéma régional climat air énergie (SRCAE) est l’outil de planification énergétique des régions. Il sera intégré au schéma régional d’aménagement du territoire (SRADDET) qui est prescriptif : les PCAET, SCoT, PLU, Plan de déplacements urbains (PDU) et chartes de Parc naturel régional (PNR) prennent en compte les objectifs du SRADDET et sont compatibles avec les règles de son fascicule.

Le SRCAE intègre :

  • les orientations permettant d’atténuer les effets du changement climatique et de s’y adapter ;
  • les orientations permettant de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d’en atténuer les effets ;
  • les objectifs qualitatifs et quantitatifs en matière de valorisation du potentiel
    énergétique terrestre, renouvelable et de récupération ;
  • un programme régional pour l’efficacité énergétique, qui définit les modalités de l’action publique en matière d’orientation et d’accompagnement
    des propriétaires privés, des bailleurs et des occupants pour la réalisation
    des travaux de rénovation énergétique de leurs logements ou de leurs locaux
    privés à usage tertiaire ;
  • un schéma régional biomasse ;
  • un recensement des réseaux de chaleur du territoire.
Coordination de l’efficacité énergétique

La loi acte que la région est l’échelon pertinent pour coordonner les études, diffuser l’information et promouvoir les actions en matière d’efficacité
énergétique. Elle favorise, à l’échelon des EPCI, l’implantation de plateformes territoriales de la rénovation énergétique.

Il y a lieu d’actionner et de mettre en synergie l’ensemble des compétences
régionales : habitat, mobilité, prévention et gestion des déchets regroupées dans le SRADDET, et surtout développement économique, formation et orientation professionnelles, compétences qui s’inscrivent dans le schéma régional de développement économique (SRDEII), autre schéma régional à effet prescriptif.

Les dispositifs de financement de la transition énergétique

Plusieurs leviers financiers ont été mis en place ou renforcés pour le financement des projets des collectivités territoriales.

Les prêts de long terme de la caisse des dépôts et consignation

C’est la mesure financière la plus emblématique.

  • Depuis 10 ans, le fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts accompagne les
    projets structurants du secteur public local, via des prêts de long terme ;
  • Depuis le 1er août 2014, 5 milliards d’euros sont réservés pour financer les projets contribuant à la transition énergétique, tels que la rénovation énergétique et la construction de bâtiments à énergie positive, les transports propres, les bornes de recharge ou les projets de développement d’énergie renouvelable.
  • Emprunt au taux avantageux de 1,75 %, pouvant aller jusqu’à 5 millions d’euros, sans apport initial et remboursable sur 20 à 40 ans ;
  • Les prêts alloués pourront permettre de financer les projets à hauteur de
    100 %, sans apport initial de la part des collectivités territoriales
    .
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE : Signature du premier prêt Croissance verte sur fonds d’épargne à Lons-le-Saunier (Jura)

  • 3,4 millions d’euros sur 20 ans pour le financement de la rénovation thermique de bâtiments publics de la ville de Lons-le-Saunier
  • Réduction de la consommation d’énergie primaire de 42 % et des émissions de gaz à effet de serre de 63 % ; 53% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale, après les travaux.

Qui peut emprunter ?

  • Les collectivités territoriales et leurs groupements ;
  • Les établissements publics rattachés à une collectivité territoriale ;
  • Les établissements publics de santé, les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) et leurs groupements ;
  • Les établissements publics universitaires ;
  • Les sociétés privées dans le cadre de Partenariats Publics Privés (hors concession).

Le fonds national de la transition énergétique et de la croissance verte

Doté d’1,5 milliard d’euros sur trois ans, ce fonds est dédié au financement des différents projets au sein des territoires.

  • 150 millions d’euros seront dédiés au soutien des territoires à énergie positive. Un appel à projets a été lancé en septembre 2014. Il est financé par l’Etat à hauteur de de 150 millions d’euros, puis sera complété par le financement des régions et des intercommunalités afin de développer les actions de maîtrise et d’économie d’énergie. 212 collectivités ont été désignées lauréates et peuvent bénéficier d’une aide financière de 500 000 €. Environ 200 autres collectivités sont accompagnées pour construire leur projet, ce qui leur permettra d’être à leur tour désignées lauréates.
  • 100 millions d’euros iront au soutien à la création de méthaniseurs (1 500
    méthaniseurs en 3 ans) ;
  • Un appel à projets « Villes respirables en 5 ans » a été lancé en juin 2015
    pour faire émerger des villes laboratoires volontaires pour mettre en oeuvre des
    mesures exemplaires pour la reconquête de la qualité de l’air sur leur territoire.

Le doublement du fonds chaleur de l’ADEME en trois ans

Le fonds chaleur vise à soutenir la production de chaleur à partir de sources renouvelables. Il soutient le développement de la biomasse (sylvicole, agricole, biogaz…), de la géothermie (utilisation directe ou pompes à chaleur), du solaire thermique, des énergies de récupération, ainsi que le développement
des réseaux de chaleur utilisant ces énergies. Engagement du Grenelle de l’environnement, il avait été doté d’1,2 milliard d’euros sur la période 2009-2013, pour soutenir plus de 2 900 réalisations. La nouvelle loi permet de doubler les moyens mis en oeuvre pour atteindre 400 millions d’euros à horizon 2017.

LA PREUVE PAR L’EXEMPLE : Réseaux de chaleur urbains de Nantes Métropole

Par une production locale d’énergie (69% d’énergies renouvelables actuellement), les réseaux de chaleur peuvent distribuer de la chaleur à de nombreux logements, bureaux et équipements. A terme, près de 30 000 logements seront connectés à ces réseaux de chaleur sur Nantes Métropole. 3 3718 tonnes d’émissions de CO2 seront ainsi évitées par an. Objectifs pour 2020 : 80 000 tonnes d’émissions annuelles évitées et 50% de logements sociaux raccordés. Avec les réseaux de chaleur, le prix est stabilisé,
bien inférieur à celui de l’électricité, avec une maîtrise des tarifs sur plus longtemps.

Les prêts de la banque publique d’investissement (BPI)

Les collectivités territoriales ont la possibilité de faire appel aux prêts de BPI France pour les énergies renouvelables. Le doublement des prêts est prévu d’ici 2017 pour atteindre 800 millions d’euros par an.

La mise en place des sociétés de tiers financement

La loi sur la transition énergétique définit pour la première fois un régime juridique simplifié des sociétés de tiers financement, dérogeant au monopole bancaire. Cela permettra de faciliter les opérations de rénovation énergétique des logements, en apportant aux particuliers une offre complète (conseils, accompagnement, offre de financement).
Objectif : que le montant des dépenses pour les travaux ne soit plus un obstacle à leur réalisation.
Les sociétés de tiers financement pourront faire l’avance de l’ensemble du coût des travaux.

La participation citoyenne

Pour la production d’énergie renouvelable sur leur territoire, les communes ou les groupements de communes, tout comme les citoyens, pourront participer au capital d’une société par actions simplifiées ou d’une société anonyme.
Ce mécanisme d’investissement participatif, qui existe déjà au Danemark, en Allemagne ou en Belgique, permet de faciliter l’acceptabilité locale des installations de production d’énergies renouvelables en rendant les riverains partie prenante.

LA PREUVE PAR L’EXEMPLE

  • Le projet des « 7 vents du Cotentin », réalisé dans la Manche, a fédéré les acteurs locaux, publics et privés, en leur proposant d’investir dans l’économie locale pour construire un bâtiment pilote.
  • Le projet de centrale photovoltaïque villageoise des Haies a permis, en impliquant les habitants, d’équiper huit toitures de la commune de près de 500 m2 de panneaux photovoltaïques qui pourront alimenter une trentaine de foyers.

La sensibilisation des habitants

Bien que l’essentiel de la sensibilisation des habitants et de la mobilisation citoyenne relève davantage d’actions d’animation du territoire que de dispositions législatives, la loi prévoit quelques outils qui méritent d’être
mentionnés.

Des actions de sensibilisation à la maîtrise de la consommation d’énergie doivent être mises en place auprès des utilisateurs des nouvelles constructions réalisées sous maitrise d’ouvrage publique et qui ont désormais une obligation d’exemplarité énergétique et environnementale.
Un réseau de plateformes de la rénovation thermique sur tout le territoire assure la mise en oeuvre du service Public de l’efficacité énergétique. L’action des collectivités dans ce domaine est coordonnée par les Régions.
Ces plateformes, déployées à l’échelle des EPCI, réalisent des missions d’accueil, d’information et de conseil auprès du consommateur (équivalentes à celles des Points rénovation info services (PRIS)) avec possibilité de mener des actions d’information à domicile. Les plateformes peuvent favoriser la mobilisation des professionnels et du secteur bancaire, animer un réseau de professionnels et d’acteurs locaux et mettre en place des actions facilitant leur montée en compétences.
Elles peuvent être gérées par des acteurs divers :

  • les collectivités territoriales ou leurs
    groupements;
  • les services territoriaux de l’État ;
  • les Agences départementales pour l’information sur le logement (ADIL) ;
  • les Agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) ;
  • les Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) ;
  • les Espaces info énergie (EIE) ou des associations locales.
LA PREUVE PAR L’EXEMPLE

En Picardie, le Service Public de l’Efficacité Energétique (SPEE) vient en aide aux propriétaires qui souhaitent rénover leur maison individuelle.

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