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mercredi décembre 9, 2020

Le Plan National Santé Environnement 4 est très insuffisant

La consultation nationale sur le PNSE4 se termine aujourd’hui. La FEVE a déposé une contribution qui identifie trois lacunes majeures. Elle s’interroge sur ce manque d’ambition dans un contexte de crise sanitaire qui a mis en lumière les fortes inégalités sociales de santé et les vulnérabilités sanitaires s’ajoutant aux vulnérabilités sociales et économiques.

La consultation sur le PNSE4 a lieu dans un contexte de crise sanitaire, qui a mis en lumière les fortes inégalités sociales de santé et les vulnérabilités sanitaires qui s’ajoutent à d’autres vulnérabilités sociales et économiques. Cela aurait dû inciter le gouvernement à se montrer ambitieux en la matière. Pourtant, ce PNSE4 souffre d’au moins trois lacunes majeures.

Une vision excessivement individuelle de la santé

Les inégalités sociales n’apparaissent pas dans le PNSE4, ni dans le diagnostic, ni dans le plan d’actions. L’épidémie actuelle a montré que les personnes les plus précaires étaient les plus exposées aux comorbidités, en particulier à certaines maladies chroniques, dont plusieurs relèvent bien de la santé environnementale, ou au surpeuplement de leur logement. Si les inégalités territoriales sont bien mentionnées par le PNSE4, il conviendrait d’y ajouter les inégalités sociales, puisque ces deux types d’inégalités ne se confondent pas nécessairement. Le plan fait donc principalement porter la responsabilité de la santé aux individus, sans tenir compte de leur situation sociale. La prévention des maladies chroniques est d’ailleurs totalement absente de ce PNSE4.

Celui-ci minimise la responsabilité des industriels dans l’exposition des Français·e·s à divers produits chimiques et polluants en se contentant d’incitations à leur égard. Le développement d’outils permettant d’objectiver ces expositions et d’informer les consommateurs ne saurait remplacer des mesures fortes de réduction à la source de ces polluants. Il est en outre inadmissible que la prévention de l’exposition aux sols pollués soit limitée à des mesures de prévention individuelles, excluant la responsabilité des acteurs industriels. Il est incompréhensible que les risques encourus par des personnes vivant à proximité de sites SEVESO ne soient même pas mentionnés. Il est aussi dommage que le PNSE4 ne rappelle pas que l’objectif « zéro artificialisation nette » doit être articulé avec la dépollution des friches industrielles. De même, l’incidence du modèle agricole sur la santé des Français·e·s est complètement tue, alors qu’il participe à l’émergence de pathologies, en particulier dans le milieu rural.

Enfin, l’importance des collectivités territoriales dans la déclinaison de ce PNSE4 n’est que très insuffisamment prise au sérieux, alors même que chacun a pu mesurer leur rôle majeur dans la crise sanitaire que nous traversons. Si la FEVE salue le fait que la formation des élu·e·s fasse l’objet d’un indicateur de suivi, elle regrette en revanche qu’il ne soit envisagé l’accompagnement que d’une seule collectivité dans l’expérimentation d’une d’évaluation des impacts sur la santé (EIS) à l’échelle d’un PDU. La réalisation d’une EIS devrait être rendue obligatoire pour toutes les collectivités de plus de 100 000 habitant·e·s dans le cadre, non seulement de leur PDU, mais aussi de leur PLU ou PLUi, et pour les régions, dans le cadre de leur SRADDET. Par ailleurs, le PNSE néglige certains outils des marchés publics, tels les labels ou l’introduction de clauses sanitaires, qui pourraient aider les collectivités à orienter leurs achats.

Un plan d’actions très incomplet

De manière générale, le plan d’actions du PNSE4 est étrangement déconnecté du diagnostic qu’il pose sur les déterminants de santé et sur les mesures susceptibles d’être favorables à la santé physique et mentale des sociétés humaines.

Alors que la qualité de l’air extérieur est mentionnée parmi les facteurs environnementaux ayant un impact sur la santé et que le PNSE rappelle que la pollution de l’air extérieur est la cause de 48 000 à 67 000 décès prématurés en France par an, elle disparaît complètement du plan d’actions. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette inaction, alors que la France vient d’être renvoyée devant la justice européenne pour irrespect systématique des règles européennes en matière de pollution aux particules fines PM10, en particulier au dioxyde d’azote, et que la pollution à l’ozone (produit par l’action des rayons UV sur les polluants précurseurs issus du trafic automobile, des centrales thermiques et de rejets industriels), délétère pour le système cardio-respiratoire, tend à se généraliser sur l’ensemble du pays.

L’existence d’un Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PRÉPA) ne saurait justifier cette absence, comme l’affirme le PNSE4, compte tenu du fait que les objectifs de réduction d’émissions de polluants pour 2020 n’ont pas été atteints. Le renvoi de la France devant la justice européenne en témoigne. Le PNSE4 devrait a minima se doubler d’une révision du PRÉPA et d’une augmentation des moyens alloués à l’atteinte de ses objectifs.

C’est également particulièrement vrai pour la protection de la nature, dont les effets bénéfiques sont énumérés en page 5 du diagnostic. Aucune action n’est cependant prévue pour développer la protection de la nature dans le but de prévenir les problèmes de santé des Français·e·s. Là encore, le PNSE4 ne peut se dédouaner en arguant l’existence de différents plans et feuille de route en matière de développement durable ou de biodiversité. Sans un rappel précis des actions prévues et des moyens dédiés, il n’est pas possible de se prononcer sur la capacité du PNSE4 à répondre aux enjeux de santé concernés.

Enfin, un plan d’actions quel qu’il soit nécessite que des moyens significatifs lui soient adossés, sous peine de rester lettre morte. En l’état, les actions proposées dans le PNSE4 ne sont ni chiffrées, ni financées, contrairement à ce que recommandait le CGEDD[1] dans son bilan du PNSE3. De même, des indicateurs sont associés à chaque action, mais l’état initial n’est pas renseigné et aucun objectif ciblé. L’évaluation des effets du PNSE4 en termes d’amélioration de la santé des Français·e·s s’annonce donc aussi difficile que celle des effets du PNSE3.

Une démocratie sanitaire à construire

La crise actuelle a mis en évidence les lacunes de la démocratie sanitaire en France. Le PNSE4 ne revient pas sur cette dimension, en mettant uniquement en exergue le Groupe Santé Environnement (GSE) sans le reconfigurer conformément à la recommandation du CGEDD et sans le doter d’un pouvoir d’auto-saisine et d’interpellation. Il est particulièrement emblématique que le PNSE4 mentionne à plusieurs reprises la responsabilité des consommateurs, mais ne s’intéresse pas à l’exercice de la citoyenneté dans le domaine de la santé environnementale.

En outre, la prédominance de l’outil numérique dans les mesures d’information du public exclut toute une partie de la population.

Catherine Candelier, conseillère municipale de Sèvres

Administratrice de la FEVE

Catherine Hervieu, conseillère municipale de Dijon

Présidente de la FEVE

Pauline Ségard, conseillère municipale de Villeneuve d’Ascq


[1] Rapport Conseil général de l’environnement et du développement durable n°011997 – déc 2018.