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lundi avril 4, 2016

Le Compteur Linky

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La directive européenne du 13 juillet 2009 stipule que « les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d’électricité ». La Loi relative à la « Transition Energétique Pour la Croissance Verte » prévoit la généralisation de compteurs « communicants ». D’ici à 2021, 35 millions de compteurs Linky et 700 000 concentrateurs devraient être installés.
La FEVE propose ici un panorama des premières questions qui se posent avec ce type d’installation.

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LE COMPTEUR LINKY, EN QUELQUES MOTS ET UN SCHÉMA

Linky est un compteur de consommation d’électricité dit « communicant » : il transmet les informations de consommation (index) au gestionnaire de réseau (ERDF). Les données transitent par courant porteur en ligne (CPL) vers un concentrateur installé dans le poste de distribution. Celui-ci communique ensuite ces informations au distributeur, via les réseaux de téléphonie mobile.
Les données transmises quotidiennement sont :

  • les index,
  • la puissance maximale soutirée,
  • les données de qualimétrie et de dysfonctionnements.
Le principe du CPL consiste à envoyer une information sous forme de signal électrique via les câbles d’alimentation électrique. Cette technologie est déjà utilisée en domotique ou pour partager un accès à internet sans utiliser le Wifi.

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CPL : Courant Porteur en ligne
GPRS : General Packet Radio Service (norme pour la téléphonie mobile)

Qui sont les acteurs du réseau de distribution de l’électricité ?

  1. Les producteurs : propriétaires des barrages, éoliennes, centrales nucléaires…
  2. Le transporteur : RTE (Réseau de Transport d’Électricité)
  3. Le gestionnaire des réseaux de distribution : ERDF (qui a le monopole)
  4. Les fournisseurs : EDF, ENERCOOP, ENGIE, DIRECT ÉNERGIE…etc. Ils la produisent ou l’achètent pour la vendre.

Combien va coûter Linky ?

Le coût du déploiement est financé par ERDF au titre des investissements de
modernisation.
Chiffres avancés : 5 à 7 milliards d’euros englobant l’achat du matériel, la
pose, le développement du système d’information et le pilotage du programme.
La pose du compteur est gratuite pour les clients et les communes.
L’opération se finance en s’appuyant sur les économies réalisées à terme grâce à un meilleur pilotage du réseau, la baisse du nombre d’interventions techniques et la fin des relevés de compteurs. D’après ERDF, les salariés affectés à la relève seront reconvertis et les départs à la retraite ne seront pas remplacés mais le devenir des salariés des sous-traitants n’est pas abordé.

Quel intérêt pour les usagers ?

Linky est téléopérable : il permettra de mettre en service, couper et modifier
la puissance à distance. Les données de qualimétrie (surtensions, baisses de tension…) et de dysfonctionnements faciliteront le diagnostic en cas de panne. En plus d’une facturation basée sur la consommation réelle (les données seront consultables sur le site d’ERDF à partir de l’été 2016), ERDF promet une « maîtrise des dépenses ».

Mais…

  • Dans la pratique, les premiers constats effectués avec Linky sur une population test de 1 500 ménages démontrent que 90% des usagers ne changent pas leurs pratiques.
  • Linky mesure la consommation globale et pas le détail par appareil.
A noter

Linky permettra de piloter les appareils électriques d’un foyer en fonction de signaux tarifaires envoyés par le fournisseur ce qui permettra aux consommateurs qui le souhaitent de les utiliser sur des plages horaires ayant un tarif plus attractif et donc de faire baisser leur facture.

Quel intérêt pour les collectivités locales ?

Linky permet une meilleure connaissance des consommations énergétiques du territoire et donc un pilotage plus efficace des politiques de transition énergétique et de planification environnementale (Plan Air Energie Climat).
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) s’est positionnée sur le terrain du droit pour apporter des éléments de réponse aux autorités concédantes et aux élu-es, en particulier en termes de responsabilité.

Pour en savoir plus

Le Journal des communes

Quel intérêt pour les fournisseurs ?

Le système permettra que le consommateur puisse obtenir des informations
plus fines sur la puissance dont il a besoin et donc souscrire un contrat plus
adapté à ses besoins.

Mais….

  • Les fournisseurs d’électricité pourront proposer des contrats ayant jusqu’à
    10 tarifs différenciés (contre 3 aujourd’hui). Cela inquiète les associations
    de consommateurs qui craignent que la tarification ne se transforme en « usine à gaz » pour les usagers.
  • Avec Linky, EDF pourra couper l’électricité sans avoir à se déplacer. Même si la loi encadre très strictement les coupures pour factures impayées, cela n’est pas sans causer des inquiétudes.
Que deviennent les anciens compteurs ?

Les anciens compteurs récupérés seront recyclés par des entreprises locales (TRIAD pour la région Pays de la Loire par exemple).

La problématique des ondes émises…

Les émissions mesurées sur les Linky par ERDF ne dépasseraient pas les seuils fixés par les législations européenne et française ou par l’Organisation mondiale de la santé. Le niveau moyen de champ électrique mesuré à 20cm des Linky par l’ANFR (Agence Nationale des Fréquences) est inférieur à 0,1V/m, ce qui est équivalent à la valeur ambiante présente un peu partout. L’émission en CPL du Linky ne dure que quelques secondes par jour pour 800 octets de
données, soit l’équivalent d’un SMS.
Les concentrateurs émettent des ondes GPRS (téléphonie mobile). Lors de la
transmission des données (quelques minutes par jour), ils émettent autant
qu’un téléphone portable en communication.
A terme, il y aura environ 420 000 concentrateurs dans toute la France, contre 70,5 millions de téléphones portables recensés en 2012. [Source : [la fiche des élu-es écologistes de Rezé réalisée avec Info Energie Pays de Loire]]

L’avis de la commission « santé » d’EELV

Si les risques constitués par les émissions d’ondes du Linky semblent faibles, il pourrait être demandé à ERDF de s’engager à remettre gratuitement un ancien compteur à toute personne en faisant la demande sur la base de symptômes recensés et précisés par un médecin, à titre de précaution. Par ailleurs, il serait souhaitable que des études épidémiologiques indépendantes soient conduites dès le premier déploiement de ces compteurs.

Risques d’incendie ?

Le déploiement du compteur Linky a été expérimenté par ERDF de mars 2009 à mars 2011 dans l’agglomération de Lyon et dans des communes rurales d’Indre‐et‐Loire. Sur 300 000 compteurs installés, 8 ont fondu (entièrement ou partiellement) à cause d’un mauvais serrage des câbles. Le risque est donc comparable aux installations réalisées par le passé avec les anciens compteurs. Par ailleurs, le processus d’installation a depuis été amélioré.

La protection des données personnelles

Linky communique au moins une fois par jour un relevé régulier et automatique de la consommation d’électricité du foyer : la « courbe de charge« . Ces données peuvent permettre de déduire les habitudes du foyer et donc intéresser les sociétés commerciales.
Pour autant, si on peut connaître les pics de consommation par heure, on ne sait rien des appareils connectés. Et si les données venaient à être agrégées (pour analyser la consommation d’une ville par exemple), elles seront rendues anonymes.
La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) s’est prononcée sur les modalités d’enregistrement, de conservation et de transmission de la courbe de charge. Elle autorise son enregistrement et sa conservation, sous plusieurs conditions :

  • Les données ne pourront pas être ni transmises à ERDF ni vendues à des
    tiers sans l’autorisation de l’utilisateur.
  • Les données ne pourront pas être transférées plus d’une fois par heure
    et ne pourront pas être stockées plus d’un an.

Garanties abonné :

  • Il pourra s’opposer au stockage local de la courbe de charge en cochant une case spécifique sur son contrat.
  • Il pourra changer d’avis, même après signature du contrat (désactivation du stockage local, suppression des données précédemment enregistrées).

En résumé, il semble que le compteur électrique soit un objet connecté « comme les autres », avec ses avantages et ses contraintes, ses risques et ses systèmes de sécurité.

Et le choix des usagers ?

Linky n’appartenant pas à l’usager, ERDF laisse entendre qu’on ne peut pas s’opposer à son installation, ce qui n’est pas sans poser un problème démocratique.
Cependant, en cas de refus, ERDF n’installera pas le compteur de force, mais attendra que l’usager déménage ou que son ancien compteur tombe en panne pour le remplacer.
Pour refuser l’installation, il suffit de le dire lorsque l’installateur appelle pour
prendre rendez-vous. ERDF enverra alors un médiateur et si l’usager persiste,
alors ils ne l’installeront pas. En effet, les quelques réfractaires ne les empêcheront pas d’atteindre leur objectif de 90% des points de livraison couverts.

A noter

– A priori, rien n’empêche ERDF de couper l’électricité des usagers réfractaires.
– La Commission de régulation de l’énergie (CRE) considère justifié que les consommateurs refusant la pose de Linky se voient facturer une prestation de relève à pied. (Source)

En revanche, les collectivités locales, bien qu’étant propriétaires des réseaux électriques et des compteurs, ne peuvent pas s’opposer au déploiement de Linky car celui-ci a été décrété par la loi. Cela n’empêche cependant pas un nombre croissant de communes de refuser son installation sur les bâtiments communaux.

Linky et la transition énergétique

Linky est un maillon d’un projet plus vaste : rendre le réseau de distribution
électrique « intelligent » en passant d’une chaîne qui fonctionne linéairement à un système où l’ensemble des acteurs est en interaction. Ce principe de « smart grid » jouera un rôle important dans la transition énergétique avec une meilleure connaissance et un pilotage actif de la consommation qui permettront une meilleure intégration des énergies renouvelables.
C’est dans cet esprit que la loi de transition énergétique a décidé le déploiement de Linky.

Mais… cela ne sera totalement efficace que si les consommateurs s’en saisissent :

  • En consultant leur consommation ;
  • En souscrivant auprès de leur fournisseur d’énergie un contrat qui permettra « l’effacement », c’est-à-dire la mise en pause pendant quelques minutes ou quelques heures de certains de leurs équipements dont la consommation est flexible (radiateurs, ballons d’eau chaude, climatiseurs…) lors des pics de consommation. Objectif : éviter la mise en route de moyens de production alternatifs – émetteurs pour la plupart de CO2, comme les centrales thermiques.

Linky, un modèle dépassé à l’heure de l’open data ?

A l’ère des objets connectés, il est possible que Linky, comme le Minitel en son temps, soit vite dépassé par l’usage des objets connectés.

  • Des prototypes de compteurs libres et des projets permettant de visualiser sa consommation électrique existent déjà, à l’image de CitizenWatt.
  • Des objets connectés permettant de piloter ses appareils électriques seront
    bientôt disponibles.
  • Le système repose encore sur un principe de centralisation de données, à l’heure où se développent de plus en plus de réseaux ouverts et de solutions décentralisées.
CitizenWatt

CitizenWatt est un outil de mesure et de visualisation de la consommation électrique des foyers à bas coût. Il vise à redéfinir la problématique du compteur intelligent au profit de technologies d’éco-feedback acceptables, non intrusives, d’outils de contrôle et d’auto-régulation individuels de la consommation électrique.
Initié par l’association Labo Citoyen – Citoyens Capteurs en partenariat avec la Mairie de Paris, le hacklab de l’École normale supérieure hackEns et le fablab Fabelier, il est facilement réplicable, sécurisé et ses notices de montage seront disponibles sous licence Open Hardware.

Pour en savoir plus

Cette fiche ne prétend pas répondre à toutes les problématiques liées aux compteurs dits « communicants ». La FEVE n’a d’autre ambition que de fournir les premiers éléments d’argumentation aux questions le plus souvent posées aux élu-es dans le cadre de leur mandat.
Parce que ce document met en avant différentes sources, volontairement équilibrées, il laisse une libre interprétation : son contenu n’est donc pas un positionnement politique.
Le travail engagé sur ce dossier n’est pas définitif. Il pourra s’enrichir d’informations complémentaires et de contribution d’élu-es de notre réseau avec des mises à jour régulières sur notre site.
Merci à nos adhérent-es dont les échanges riches ont très largement nourri cette fiche, aux collaboratrices/teurs de Laurence Abeille, Denis Baupin et Michèle Rivasi, aux commissions Partage 2.0, Santé et Energie d’EELV pour leurs contributions et à Catherine Candelier pour son aide précieuse.

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