ÉLECTIONS

mardi avril 21, 2015

Débuter son mandat dans l’opposition

Un-e écologiste au sein d’un conseil départemental doit se battre pour orienter les politiques. Avec méthode, patience et combativité, il est tout de même possible d’avoir de l’influence, que l’on soit dans une majorité ou dans l’opposition.
Pour bien démarrer votre nouveau mandat, la FEVE met en place une coordination des élu-es départementaux/ales et vous propose d’ores et déjà quelques conseils de Thierry Soler, conseiller départemental dans le Loiret, pour bien travailler dans l’opposition.

Conseil n° 1 : Vous êtes légitimes, vous avez gagné une élection !

Les élu-es sont tou-tes des gagnant-es. C’est l’une des caractéristiques des scrutins départementaux. L’électorat de votre canton n’a pas voté pour une majorité ou pour une opposition : ils vous ont choisi, vous. Si vous vous retrouvez dans la minorité, c’est juste que vous n’avez pas assez d’ami-es parmi les autres « vainqueurs ». Certes, cette situation vous prive d’un accès direct aux décisions exécutives de votre collectivité. Vous détenez cependant une pleine et entière légitimité pour tout ce qui touche à la population dont vous êtes la ou le représentant-e légitime.

Le plus souvent, l’institution attend de chaque élu-e qu’elle/il soit le référent de son propre canton. C’est-à-dire à la fois l’interlocuteur des administré-es, des élu-es de son territoire, des clubs sportifs… Cette sectorisation calquée sur la carte électorale n’est évidemment pas ce que les écologistes préconisent : elle empêche une vision plus globale dans la gestion du territoire, plus équilibrée. Mais c’est la réalité du terrain qui vous attend… Sachez en tout cas que, dans votre canton au moins, vous serez considéré comme un interlocuteur de référence, une autorité. Profitez de cet état de fait pour faire valoir une autre façon de considérer le rapport à la chose publique !

Conseil n°2 : Pratiquez le terrain, usez de votre nouveau crédit…

Les occasions ne vous manqueront pas d’être présent sur votre canton. Il est d’usage d’inviter l’élu-e de la circonscription dans de nombreuses manifestations, inaugurations, commémorations, assemblées générales, défilés de carnaval ou assimilés, compétitions sportives et autres remises de médailles.
Ne négligez pas ces temps de civilité et de visibilité ! Il faut absolument y aller… et rester, si possible, jusqu’au bout. Ces moments permettent d’écouter la population et, réciproquement, de faire passer des messages. C’est une manière d’asseoir votre crédibilité et de contribuer à briser les images toutes faites liées aux écolos qui ne sont pas tous des extra-terrestres tout verts…
Si d’aventure vous ne pouvez pas être présent-e, il est important d’adresser un mot d’excuse : ce sont les usages en vigueur.
Vous l’aurez compris, le statut d’élu départemental est une « institution » en soi… s’il est facile d’en pointer les défauts, il vous ouvre des portes. A tel point que même le Préfet est obligé de vous accorder un certain crédit. Vous serez donc en mesure de travailler avec des structures départementales comme l’association des maires, la chambre des métiers, les fédérations départementales, le Réseau Éducation Sans Frontières et XNE1 par exemple.

Usez pleinement de ce crédit pour l’employer à dialoguer avec l’ensemble de la société civile : on y apprend beaucoup et on influe aussi. Si la société d’horticulture départementale se pose la question des pesticides, autant être présent à leur assemblée générale pour dire un mot à ce sujet… avec « autorité ». Ce sera un soutien apprécié des gens qui poussent dans le bon sens, sans qu’ils se sentent pour autant concernés par l’écologie politique.
Tous ces échanges, dans le canton et le département, vous permettront d’être connu-e et reconnu-e. Quand une association de parents d’élèves d’un collège situé à 60 km de votre canton vous appellera pour parler de la cantine, ce sera gagné. En attendant, tenez un fichier à jour et, en janvier, adressez des voeux rigolos et écolos à tous vos contacts.

Conseil n°3 : …s’insérer dans les instances…

La présence en session est indispensable : toute absence engage votre crédibilité.
Les séances débutent par un échange généraliste avec le président avant que ne soient examinées les délibérations une à une. C’est l’occasion de faire une intervention ciblée : il paraît normal dans ce cas de s’en tenir à une question d’actualité à l’échelle départementale. Sont déconseillées les grandes envolées sur la paix dans le monde ou la dette du pays ainsi que, à l’inverse, ce qui concerne l’état de la route départementale qui traverse votre canton ou la chorale du coin. Parlez plutôt du budget départemental, de la protection de l’enfance, du plan-climat départemental, du grand contournement routier de la ville-centre, des aides aux communes qui améliorent la gestion de l’eau…

Dans les autres instances internes, qui ne sont pas publiques, il faut surveiller les délibérations et distinguer par un vote négatif celles qui vous posent problème.
Les résultats des délibérations des commissions permanentes, par exemple, sont généralement publiés officiellement. Si ça n’était pas le cas, vous pouvez le faire connaître aux principaux intéressés (association qui lutte contre un projet, commune qui demande une aide…).

Outre l’assemblée départementale elle-même, le fait d’être dans l’opposition ne vous empêche pas de siéger dans de nombreux organismes extérieurs. Vous pourrez y exercer une veille et/ou faire bouger les lignes. Les commissions locale d’information (CLI) des centrales nucléaires, par exemple, sont sous compétence départementale. Y siéger permet de surveiller de plus près la communication d’EDF et de relayer le travail des parlementaires écologistes, par exemple, auprès d’autres élu-es locaux/ales.

Conseil n°4 : Communiquez !

Une chose est de travailler dur pour faire avancer un tout petit peu d’écologie en milieu hostile… Une autre est de faire en sorte que l’opinion publique progresse sur le sujet. Outre ceux qui attendent de vous un soutien moral (dire du bien de leur initiative que le département ne valorise pas) ou concret (sauver la subvention en harcelant la majorité), l’ensemble de la population sera sensible à la différence entre un-e élu-e écolo et les autres. Encore faut-il que vos actions soient connues !

[vert]– Ouvrez un espace sur le web (site, blog, réseaux sociaux).[/vert] Vous pourrez y publier vos propres comptes-rendus des séances publiques et vos interventions en interne comme à l’extérieur de l’institution. Vous pouvez également informer sur les délibérations à venir, à condition de ne pas en publier le contenu avant qu’il ne soit adopté officiellement. Il faut apprendre à diffuser vos prises de position avec tous les outils à disposition sur le net ou bien trouver un militant qui se charge de relayer en votre nom.

[vert]– Ne pas oublier de donner des nouvelles aux citoyen-nes qui ne sont pas connectés.[/vert] En zone diffuse, si votre canton couvre un nombre conséquent de communes, certaines d’entre-elles peuvent vous offrir une tribune plus ou moins régulière dans leurs propres publications municipales. C’est un bon moyen de se montrer disponible pour les citoyen-nes et de leur exposer ce que fait le département et ce que vous avez voté ou pas.

[vert]– Lorsque vous soutenez un dossier, faites-le savoir aux porteurs de projet.[/vert] De manière générale, répondez à toutes les sollicitations, même pour dire que vous ne pouvez pas intervenir ou que vous aller « attirer l’attention » du président (ou de la présidente si vous êtes parmi les 10 départements où c’est le cas).

[vert]– La presse locale est un outil incontournable pour garantir votre visibilité.[/vert] Si elle ne vient pas à vous, ce qui est malheureusement souvent le cas quand on est un-e élu-e isolé-e, allez à elle ! Dès le début du mandat, demandez à rencontrer la/le responsable de la rédaction, la/le correspondant-e local-e, pour mieux connaître leur façon de travailler, leurs contraintes organisationnelles, les thèmes traités, les modalités d’envois de vos informations. Assurez-vous de la bonne réception de celles-ci en appelant les journalistes et usez de modération dans votre communication pour éviter la saturation !
Faites des communiqués, convoquez des conférences de presse afin de revenir sur vos propositions acceptées ou rejetées et sur vos votes les plus marquants, de prolonger ou de susciter le débat.

Conseil n°5 Restez crédibles …

« On se demande bien pourquoi il faudrait écouter les écologistes puisque, de toutes façons, vous voulez supprimer les départements« , disait un président UMP. Le fait est qu’un-e conseiller/ère départemental-e écolo doit d’abord obtenir de l’écoute et du crédit avant d’espérer être utile à ses administrés. Ce n’est pas si difficile que cela dans une institution au long passé républicain : les conseils départementaux placent souvent les élu-es à égalité de droit… Bref, si vous n’attaquez pas bille en tête les premières délibérations, vous pouvez peu à peu arriver à vous faire entendre : pas toujours suffisant pour être écouté, mais indispensable pour progresser.
En outre, cela produira aussi ses effets vis-à-vis des services avec lesquels il n’est pas impossible de créer des relations privilégiées, même quand on est dans l’opposition. Ces relations sont importantes car elles vous permettront notamment d’obtenir des renseignements qui tardent à parvenir à un-e citoyen-ne ou une commune de votre canton, voire de proposer des rencontres entre telle ou telle direction et un partenaire potentiel du département. Cependant, gardez bien à l’esprit que les élu-es ne peuvent rien imposer aux fonctionnaires : tout doit passer par la voie hiérarchique et donc par le/la directeur/trice général-e des services. Faites donc bien attention de ne pas mettre un fonctionnaire en porte-à-faux.

La recherche de crédibilité va vous amener à laisser filer un certain nombre de choses. La plupart des décisions sont prises à l’unanimité, ne serait-ce que parce que les textes soumis au vote sont un peu fourre-tout et contiennent aussi des choses importantes pour vous : impossible de refuser la subvention à la chambre d’agriculture pour des projets de la FNSEA sans refuser par la même occasion les aides (modestes) à l’agriculture bio. Dilemme permanent. Et d’ailleurs, à quoi bon voter contre si la décision ne change pas ? Mieux vaut manifester son opposition ponctuellement, elle n’en sera que plus significative. D’ailleurs, il n’est pas exclu, dans ce cas, qu’une délibération puisse être amendée dans votre sens par une majorité soucieuse des apparences et du consensus.

Conseil n°6 Soignez vos fondamentaux !

Réciproquement, il faut donc particulièrement soigner les conditions dans lesquelles vous réaffirmerez vos convictions profondes. Passés les premiers mois où vous aurez surpris par votre ouverture d’esprit (réelle) et vos concessions (provisoires), il y a beaucoup de sujets sur lesquels intervenir de façon originale, sans se « griller », si l’on prend la peine de faire des propositions positives en parallèle des délibérations que l’on combat. Sur les questions environnementales, sur les aides économiques, les libertés publiques, personne ne s’étonnera de vous voir voter seul-e contre tou-tes. Si le conseil départemental se trouve mêlé à un grand (ou petit) projet inutile, vous pouvez être en pointe de la contestation sans que votre crédibilité en souffre dans le grand public et parmi les élu-es.
D’autre part, il est essentiel de montrer de la rigueur pour tout ce qui a été défendu pendant la campagne électorale. Lorsque la majorité se plaindra d’une de vos prises de position avec des « gna gna gna écolo gna gna gna toujours contre », vous leur clouerez le bec en répondant que votre opposition à cette décision bien précise était une promesse électorale et que vous avez été élu-e justement pour voter contre les délibérations qui s’y rapportent.
Et puis, il faut expliquer, répéter et réexpliquer. Si, par exemple, en voulant aider le bio, vous avez voté implicitement en faveur de la FNSEA, rien de vous empêche de communiquer contre ses projets en rappelant votre vision de l’agriculture paysanne et nourricière. C’est même indispensable de commenter tous vos votes auprès des gens concernés. Et bien sûr, il ne faut pas hésiter à faire du battage quand vous vous êtes explicitement opposés à la majorité. Pour cela, il faut absolument garder un lien privilégié avec les écolos de tous bords, EELV ou associatifs ou simples citoyen-nes.

Conseil n°7 Ne restez pas isolé

Pour finir, soyez vigilants face au risque d’isolement et de « corruption ». Il y a toujours l’éventualité qu’en vous montrant ouvert à tou-tes, ce soient vos interlocuteurs/trices qui vous fassent changer d’avis et pas l’inverse. Il est donc important de s’appuyer sur votre groupe local EELV ou plus large. Vous pouvez ainsi organiser des réunions de préparation avant les conseils départementaux, des groupes de travail sur une compétence départementale, lancer une action contre un projet contestable etc.

Ne pas s’isoler, c’est aussi travailler en réseau avec d’autres élu-es écologistes, tant au niveau local, régional que national, vous aidera à bloquer des décisions, agir au sein d’organismes ou de réseaux où vous siégez à leurs côtés etc. Etre membre de la FEVE vous y aidera ! Participer à la coordination des élu-es départementaux/ales qu’elle a mise en place vous permettra par ailleurs de vous appuyer sur l’expérience d’élu-es et d’ancien-nes élu-es expérimenté-es et d’échanger sur votre quotidien d’élu-e.

Enfin, ne perdez aucune occasion de vous former ! En tant qu’élu-e, vous pouvez assister à des colloques, à des formations dispensées par l’Institut pour la formation des élus territoriaux (IFET), fréquenter les universités du CEDIS etc. Enfin, grâce à certains organismes dans lesquels vous siégerez, vous pourrez découvrir de nombreux domaines. Cette formation continue est un acquis important pour les élu-es. C’est un droit qu’on ne peut vous refuser.