
À l’occasion des Assises des Départements de France d’Albi, les conseiller·es départementaux écologistes ont rédigé une lettre ouverte au président de l’ADF.
Monsieur le Président,
Les Conseillères départementales et Conseillers départementaux écologistes s’impliquent au quotidien auprès des habitant·es dans leurs territoires, à l’échelle de leur canton comme de leur département, et dans les thématiques relevant des compétences départementales, qu’ils et elles siègent dans les majorités ou les oppositions.
Nous serons présent·es à Albi comme nous l’étions l’an dernier à Angers, dans ce moment de crise institutionnelle majeure que traverse notre pays et tous nos départements.
L’an dernier, il était question d’éviter la faillite budgétaire, au prix d’efforts douloureux dans les politiques sociales et de proximité essentielles pour les habitants les plus en difficulté. La situation n’est guère plus favorable en vue des budgets 2026 : si les annonces gouvernementales, à ce stade, semblent moins brutales, elles n’apportent pour autant aucune perspective d’amélioration. Dès lors la situation ne peut que s’aggraver.
Nous souhaitons donc en vue des Assises des Départements de France d’Albi vous faire part de nos plus vives inquiétudes.
Inquiétudes pour le monde associatif et les partenaires des départements
Dans de nombreuses compétences, comme l’action sociale, le handicap, le soutien aux personnes âgées en perte d’autonomie et le soutien aux aidants, la protection de l’enfance, la prévention spécialisée, l’insertion et les solidarités, aucune politique publique départementale ne pourrait être menée sans les associations. Dans le cadre de conventions et selon des modalités diverses, ces partenaires essentiels prennent en charge aujourd’hui la mise en œuvre de pans entiers du service public dans les territoires. Et pourtant, comme nous les maltraitons !
Les subventions sont revues à la baisse, alors que les objectifs et missions restent toujours plus exigeants. Le versement de ces subventions est parfois retardé au maximum, créant de fortes tensions dans la trésorerie de nos partenaires. Cette fragilisation autrefois exceptionnelle devient de plus en plus courante.
Si bien que le 11 octobre dernier, le monde associatif appelait à la mobilisation et criait dans la rue dans 350 villes de France ce même mot d’ordre : « ça ne tient plus ! »
Nous, élu·es écologistes, étions à leurs côtés dans les manifestations.
Nous relayons les inquiétudes et revendications de ce mouvement.
Nous sommes convaincus que le secteur privé lucratif n’est pas en mesure de prendre en charge de manière socialement juste les missions de service public.
Dans nos départements, non seulement les associations sont des partenaires essentiels des politiques publiques, mais de nombreux emplois dépendent de leur bonne santé financière. Pour les bénéficiaires de nos politiques sociales et pour la préservation de ces emplois, nous devons les assurer de tout notre soutien.
Inquiétudes pour les Espaces naturels sensibles (ENS) et l’ingénierie territoriale (CAUE)
Le CAUE (Conseil d’Architecture, d’urbanisme et de l’Environnement) de la Manche a été contraint d’annoncer en octobre sa liquidation judiciaire et le licenciement collectif de quatorze salariés qui oeuvraient aux côtés des maires pour mener des études et donner forme à des projets d’aménagement dans les communes. Cet événement brutal a mis sur le devant de la scène médiatique un problème que nous dénoncions déjà depuis des mois dans de nombreux départements. La réforme de la collecte de la Taxe d’Aménagement, qui permet depuis la loi sur l’Architecture de 1977 de financer les CAUE et d’exercer la compétence départementale sur les Espaces naturels sensibles, fait peser de lourdes menaces sur ces politiques.
Des parlementaires ont déjà posé à ce sujet des questions écrites ou orales au gouvernement ces dernières semaines.
Les Écologistes vous interpellent, Monsieur le Président, afin d’obtenir enfin une réponse. Nous comptons sur vous pour relayer cette demande auprès du Premier Ministre ou des ministres concernés qui seront présent·es à Albi.
Mais au-delà du problème « technique » identifié actuellement, nous souhaitons reposer la question de fond du financement des politiques publiques de préservation de la nature, de la biodiversité, de la qualité de l’eau et de l’environnement par l’affectation de ressources d’une taxe sur de l’aménagement qui produit le plus souvent de l’artificialisation des sols. C’est tout le paradoxe du système, alors qu’à l’heure du principe de « Zéro artificialisation Nette » nous devrions aussi pouvoir disposer d’une fiscalité favorisant la non-artificialisation.
Inquiétudes sur la protection de l’enfance
Le rapport de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance qui est sorti le 1er avril 2025 a permis de remettre en lumière une situation catastrophique au détriment d’enfants et familles déjà les plus fragiles.
À la suite de ce rapport, l’ADF a demandé la mise en place d’un comité de suivi. Notre inquiétude porte sur le risque que ce sujet retombe petit à petit dans l’oubli, c’est pourquoi vous pourrez toujours compter sur les élu·es écologistes pour maintenir une vigilance permanente sur l’enfance en danger.
Cette vigilance s’applique plus particulièrement face à un phénomène qui explose dans notre société : le proxénétisme et la prostitution de mineur·es (85% de filles) a été multiplié par quatre entre 2016 et 2020. Les plus vulnérables sont les plus visé·es par les proxénètes, qui ont fait des mineur·es de l’ASE une cible prioritaire.
Inquiétudes pour les bénéficiaires du RSA
Nous avions dénoncé les risques d’atteinte aux droits des bénéficiaires qui émanaient de la dernière réforme du RSA : l’accroissement du non-recours, le risque de travail gratuit, un objectif de retour à l’emploi à tout prix, l’automatisation des parcours d’insertion (l’algorithme plutôt que la relation humaine).
Non seulement ces risques ont été confirmés par les évaluations menées par les principales associations intervenant aux côtés des personnes en plus grande précarité (ATD Quart Monde, le Secours Catholique, etc.), mais d’autres effets pervers sont aujourd’hui démontrés, tels que :
– l’accroissement des disparités entre départements qui crée des inégalités entre bénéficiaires d’un département à l’autre, ce qui est contraire au droit.
– l’augmentation de la pauvreté pour cause de zèle dans l’application de sanctions excessives et inadaptées : comme les associations, les Écologistes pensent que « sanctionner au lieu d’accompagner c’est punir les pauvres au lieu de combattre la pauvreté ».
Les Conseillères départementales et Conseillers départementaux écologistes seront présent·es à Albi du 12 au 14 novembre 2025 aux Assises des Départements de France, et se tiennent à votre disposition pour échanger avec vous sur tous ces sujets.
Dans cette attente, veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sincères salutations.






