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jeudi février 4, 2016

La loi NOTRe : ce qu’elle change pour les collectivités

La loi NOTRe prévoit des modifications dans l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des Intercommunalités renforçant ces dernières ainsi que les Régions. Ronan Dantec, chef de file des écologistes au Sénat sur l’organisation territoriale et la décentralisation, nous détaille ce qui va changer.

Des compétences partagées

  • La promotion des langues régionales (grâce à un amendement écologiste), la culture, le sport, le tourisme et l’éducation populaire seront partagés entre les Communes, les Départements, les Régions et les Collectivités à statut particulier. (article 104)

Les écologistes, par leurs amendements, ont aussi permis :

  • la création d’une obligation pour la commune de résidence de participer au financement de la scolarisation des élèves dans une école dispensant un enseignement en langue régionale dans une autre commune.
  • que « La responsabilité en matière culturelle [soit] exercée conjointement
    par les collectivités territoriales et l’Etat dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005.
    » (article 103)

Régions

vert]Suppression de la clause de compétence générale ([article 1)

La clause de compétence générale, qui permettait aux régions d’intervenir dans tous les domaines, est supprimée. Désormais, les compétences du
conseil régional se limitent à celles listées dans l’article L. 4 433-1 CGCT : le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux
politiques d’éducation et l’aménagement de son territoire, ainsi que la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes.

Ronan Dantec : « Il est regrettable que la clause de compétence générale des régions ait été supprimée. En effet, on ne peut pas construire d’aussi grands territoires et ne pas considérer qu’ils peuvent agir dans tous les domaines de l’action publique. Par ailleurs, cette suppression fait naître une incertitude quant à la continuité de certaines actions engagées par les régions, notamment
dans le domaine de la santé.
»

Deux schémas régionaux à effets prescriptifs sur les documents de niveau inférieur

Le SRADDET [[sauf en IDF qui conserve le SDRIF]] : Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Il regroupe plusieurs schémas sectoriels en un document unique. Il fixe les
orientations de la Région en matière :

  • d’égalité des territoires ;
  • d’habitat ;
  • de gestion économe de l’espace ;
  • de désenclavement et d’amélioration de l’offre de services dans les
  • territoires ruraux ;
  • d’intermodalité et de développement des transports ;
  • de maîtrise et de valorisation de l’énergie ;
  • de lutte contre le changement climatique (Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie – SRCAE) ;
  • de pollution de l’air ;
  • de prévention et de gestion des déchets ;
  • de protection et de restauration de la biodiversité (Schéma régional de cohérence écologique – SRCE).
    (articles 10 et 13)

Le SRADDET est prescriptif. Les schémas de cohérence territoriale (SCoTs) et, à défaut, les plans locaux d’urbanisme (PLU), les cartes communales, les plans de déplacements urbains, les plans climat air énergie territoriaux (PCAET) et les chartes des parcs naturels régionaux doivent prendre en compte ses objectifs et être compatibles avec les règles générales de son fascicule.

À NOTER

Toute la chaîne de transports hors agglomérations est transférée des départements aux Régions, même si la voirie et le transport des élèves handicapés restent de la compétence des départements.

Un risque de confusion des compétences existe du fait que les départements maintiennent une compétence en matière de « solidarité territoriale » ce qui va les amener à agir sur l’aménagement et l’égalité des territoires, avec un risque fort que les régions et les départements ne « se renvoient la balle sur ces compétences », l’un et l’autre échelon étant supposés compétents.

Ronan Dantec : « Les écologistes plaident
pour une réforme fiscale qui devrait logiquement amener progressivement vers une part réelle d’autonomie financière des collectivités, et donc des Régions en premier lieu. Nous avons fait de nombreux amendements en ce sens, tous rejetés mais ouvrant le débat sur ces sujets (taxe régionale sur les poids lourds, versement transport régional, part de Cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) aux Régions etc).
»
Le SRDEII : Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation
  • Il fixe les orientations en matière d’aides aux entreprises, à l’investissement
    immobilier et à l’innovation, de soutien à l’internationalisation, d’attractivité du territoire régional, de développement de l’économie sociale et solidaire, d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. (articles 2 et 3)
  • La Région est seule compétente pour définir les régimes d’aides et pour décider de l’octroi des aides aux entreprises, même si les autres collectivités et groupements peuvent y participer à travers des conventions ou par délégation.
  • Ce schéma peut contenir un volet sur les orientations en matière d’aides au développement des activités agricoles, artisanales, industrielles, pastorales et forestières ainsi qu’un volet transfrontalier élaboré en concertation avec les collectivités territoriales des Etats limitrophes.

Le SRDEII est également prescriptif :

  • Les actes des collectivités locales et de leurs groupements doivent être compatibles avec le schéma.
  • Les orientations du schéma sur le territoire d’une métropole sont élaborées
    conjointement par la Région et la métropole. A défaut d’accord, la métropole élabore un document d’orientations stratégiques qui prend en compte le schéma régional et n’autorise pas la métropole à définir des aides ou ses propres régimes d’aides économiques. Le principe est donc la compatibilité
    des actes de cette dernière vis-à-vis du schéma régional. Si désaccord, la métropole élabore son document d’orientations stratégiques qui « prend en compte » le schéma régional.
Marie-Christine Blandin, sénatrice : « La
création des SRADDET, schémas uniques et dorénavant opposables, constitue une véritable avancée. Ils permettront de donner aux régions les moyens d’assurer la cohérence des politiques publiques sur leur territoire et d’organiser des solidarités territoriales.
Le fait que la biodiversité soit intégrée dans le SRADDET est également une avancée importante. Ce schéma, qui a vocation à recouvrir plusieurs domaines d’action politique tels que les transports, les déchets, l’énergie et le climat, ne pouvait pas ne pas prendre en compte l’enjeu de la préservation de la biodiversité.
»
À NOTER

Grâce à un amendement écologiste, les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets devront désormais comporter un volet économie circulaire.

Ronan Dantec : « Un amendement écologiste a rendu le dispositif un peu plus opérationnel mais le dispositif actuel permet seulement aux régions de formuler une demande d’adaptation, sans garantie de réponse de l’Etat. Cette mesure, qui ouvrait la porte à une décentralisation différenciée, est restée bien trop timide. »

L’emploi

La Région assure la coordination des acteurs du service public de l’emploi, ainsi que la mise en oeuvre de la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences, sans remise en cause de Pôle emploi. (articles 6 et 7)
L’ajout de cette compétence de coordination sur l’emploi complète le bloc de compétences régionales sur l’orientation, la formation professionnelle, l’apprentissage et le développement économique.

Droit d’adaptation législatif et réglementaire

Grâce à ce nouveau droit, un Conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs Conseils régionaux peuvent présenter des propositions au premier ministre et au préfet tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires.

Intercommunalités

  • Le seuil pour les intercommunalités passe de 5 000 à 15 000 habitants, assorti d’un ensemble de dérogations permettant le maintien d’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) entre 5 000 et 15 000 habitants dans les zones à faible densité de population (article 33) :
    • Si l’EPCI comprend une moitié au moins de communes située en zone de montagne ou est entièrement en territoire insulaire.
    • Pour les EPCI dont la densité démographique est inférieure à la moitié de la densité démographique nationale, au sein d’un département dont la densité démographique est inférieure à la densité nationale, soit 51,3 hab/km². Le seuil de population applicable sera alors déterminé en pondérant par un coefficient.
    • Si la densité démographique est inférieure à 30 % de la densité démographique nationale, soit 30,8 hab/km².
    • Si l’EPCI qui regroupe 12 000 habitants est issu d’une fusion intervenue depuis 2012.
  • Les fusions d’intercommunalités devront être finalisées au 31 décembre 2016. (article 35)
  • Le nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes sera réduit par la suppression des doubles emplois entre des EPCI ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes (article 33)
  • Compétences :
    • la gestion des aires d’accueil des gens du voyage,
    • les déchets,
    • la promotion du tourisme.

À partir de 2020, l’eau et l’assainissement deviennent des compétences obligatoires des communautés de communes et des communautés d’agglomération. (articles 64 à 68)

  • Les mutualisations de services entre EPCI et communes et entre EPCI sont étendues et facilitées. (article 72)
  • L’unification des impôts locaux à l’échelle d’un EPCI peut se faire à la majorité qualifiée. Jusqu’à présent, un vote à l’unanimité était nécessaire. (article 80)

Démocratie et transparence : les avancées dues aux écologistes

La version du texte qui était arrivée au Sénat ne satisfaisait pas les écologistes
car elle donnait des responsabilités aux collectivités locales sans affermir la démocratie locale, créant ainsi un déséquilibre de fond. C’est pourquoi, ils ont déposé 56 amendements sur ce volet de la loi, grâce auxquels ils ont obtenu les avancées suivantes :

  • Les droits des élu-es des communes entre 1 000 et 3 500 habitants sont améliorés. Comme dans les communes de plus de 3 500 habitants, l’opposition disposera dorénavant d’un droit d’expression dans le journal local, les délais de convocation du conseil municipal passeront à 5 jours francs, le règlement intérieur devient obligatoire et le conseil municipal devra comporter des séances de questions orales. Les règles de convocations exceptionnelles des conseils municipaux sont également alignées sur celles qui prévalent dans les communes de plus de 3500 habitants mais leur entrée en vigueur prévue en 2016 est repoussée à 2020. (articles 82 et 83)
  • Les comptes-rendus des conseils municipaux seront mis en ligne sur le site de la commune et la convocation aux conseils municipaux pourra être faite Électroniquement sur demande.
  • Le rôle des CESER a été élargi. Ils ont désormais pour mission d’ « informer le Conseil régional sur les enjeux et conséquences économiques, sociaux et environnementaux des politiques régionales, de participer aux consultations organisées à l’échelle régionale, ainsi que de contribuer à des évaluations et à un suivi des politiques publiques régionales. » (article 32)
  • Les conseils de développement ont été renforcés : leur seuil de création a été abaissé de 50 000 à 20 000 habitants et leur rôle est étendu. (article 88)

Enfin, la transparence étant une garantie de démocratie, les écologistes ont obtenu que les collectivités et groupements de plus de 3 500 habitants soient tenus de rendre accessibles sur Internet l’intégralité des « informations publiques » en leur possession, dès lors que celles-ci se rapportent à leur territoire et sont disponibles au format électronique.
Cela sera valable aussi (article 128) pour :

  • Les délibérations du conseil municipal,
  • Les arrêtés municipaux à caractère réglementaire des communes de 3 500 habitants et plus,
  • Les actes réglementaires pris soit par les autorités départementales soit par les autorités régionales.
Ronan Dantec : « Nous regrettons que la version définitive du texte ne tienne finalement pas compte de la proposition d’un suffrage universel direct pour toutes les Intercommunalités. Pour les écologistes, cette élection directe s’impose pourtant au vu des compétences prises par les intercommunalités et elle est la seule solution pour assurer l’égalité des citoyens et renforcer le débat démocratique autour des grands choix de politiques publiques intercommunales qui influent profondément sur la vie quotidienne des habitants. »

Et les départements dans tout ça ?

Un temps voué à disparaître, cet échelon territorial a finalement été maintenu et ses compétences ont évolué. Comme les Régions, ils ont perdu la clause de compétence générale et doivent aussi transférer aux métropoles certaines compétences parmi lesquelles les collèges, le tourisme, la culture et certaines missions d’aide sociale (insertion, prévention jeunesse, personnes âgées…).
Ils ont en revanche gardé leurs compétences en matière de solidarité sociale et territoriale ainsi que celles concernant les collèges et la voirie. Ils peuvent par ailleurs contribuer au financement des opérations d’investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural.
Enfin, l’Etat et le Département élaborent conjointement un schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public qui définit un programme d’actions destiné à renforcer l’offre de services dans les zones déficitaires.

Ronan Dantec : « Dès le départ, cette loi n’avait pas l’ambition que les écologistes attendaient d’un texte de décentralisation. Les différentes lectures au Sénat et à l’Assemblée et les compromis politiques nécessaires à l’adoption du texte ont abouti à remettre de la complexité là où des clarifications étaient proposées.
Nous avons soutenu le renforcement du couple intercommunalités – régions et l’instauration des deux schémas régionaux prescriptifs (aménagement du territoire et développement économique) mais pour le reste, on peut dire que cette réforme est restée au milieu du gué.
»

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