RESSOURCES

lundi mars 14, 2016

Le mot de Pascale d’Erm

L’écologie des solutions prend racine dans les territoires

L’écologie des solutions, que j’aime aussi appeler l’écologie du réel, trouve un terreau particulièrement fertile dans les territoires.

Plus que jamais, conduire des politiques écologiques, c’est choisir. Il est évident que les meilleurs critères de choix sont ceux qui épousent au plus près les ressources naturelles mais aussi les contextes économiques et sociaux, l’histoire des lieux ou la culture locale, tout en s’appuyant sur les « forces en présence » : associations locales et entreprises décidées à agir.

Or, j’ai pu le constater en parcourant 14 territoires en transition pour mon livre, les équipes d’écologistes-citoyens alliés à des acteurs publics et privés sont les meilleurs « experts » de leur environnement. Ils n’attendent pas d’« autorisations » ou de « validations » de l’Etat. Ils sont irrévérencieux et/mais démocratiques.

Ces acteurs locaux sont attachés à leur environnement au sens large : naturel, mais aussi social et culturel. Et cette dimension humaine, émotionnelle et psychologique n’est pas à sous-estimer. Au contraire. L’attachement à un territoire permet de redéfinir sa place dans la nature et nous savons que ce « retournement » éthique et anthropologique est un préalable à toute action vraie. Ce ruisseau où j’allais pêcher enfant avec mon grand-père s’est vidé de ses poissons : cette constatation m’aide à ajuster mon positionnement écologique, évaluer mon pouvoir humain, je me décide à agir. La vision dualiste d’une nature dissociée de la culture et que je surplomberais de ma superbe d’homme ou de femme s’effrite alors d’elle-même…

Forts de leur expertise, impliqués avec leur intelligence et leur cœur, les équipes d’acteurs locaux que j’ai rencontrées ont développé la capacité de mobiliser sur des projets pertinents et efficaces. Ils ont su jouer un rôle de liant entre des besoins individuels (se loger, se chauffer, se relier…) et des besoins collectifs ou exprimés par des territoires (réduire sa dépendance aux énergies fossiles et faire des économies, densifier la ville et la rendre plus verte, se réinventer un avenir collectif après une crise post industrielle, etc.). Ce faisant, ils ont dépassé l’horizon de l’utopie pour poser le cadre du trampoline sur lequel l’énergie citoyenne a pu rebondir.

Car la psychologie sociale le démontre bien : c’est en agissant que l’on accorde de l’importance aux enjeux écologiques. Et non l’inverse. Or, le sentiment d’appartenance communautaire – territorial, local – est un puissant moteur d’action. C’est aussi l’échelle la plus pertinente pour réinventer des normes sociales fondées sur l’exemplarité.

On ne naît pas écologiste, on le devient ! Pas sous la contrainte, mais par l’exemplarité et la prise de conscience. Le local est l’échelle qui permet cette pollinisation spontanée.

Enfin, terreau fertile pour l’action, le local est aussi l’échelle du récit. Nous avons besoin de raconter ces histoires – dont le pas de temps est d’une dizaine d’années – pour renouveler les mythes, incarner des nouvelles héroïnes et héros positifs. Et ce nouveau récit de la transition se nourrit aussi de forêts, de sourires et de paysages où coulent des rivières à la tombée du jour.

Pascale d’Erm, journaliste
Auteure du livre Ils l’ont fait et ça marche ! Comment l’écologie change déjà la France