Organisé par la FEVE – Mardi 12 novembre 2024
Découvrez dès maintenant (ou revoyez) le webinaire, lisez ci-dessous notre synthèse de la présentation des expert·es invité·es et explorez des ressources variées sur le sujet !
Intervenants :
- Catherine Bouët-Willaumez, vice-présidente de la Fédération Française du Paysage
- Bertrand Folléa, directeur de la chaire Paysage et énergie de l’École nationale supérieure du paysage de Versailles – Marseille. Grand prix national du paysage 2016
- Jean-Pierre Thibault du Collectif Paysages de l’Après Pétrole
La synthèse de la présentation :
En préambule, la définition de paysage est citée, et ses éléments explicités. « Le paysage désigne une partie de territoire, telle que perçue par les populations et dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. » Convention du Conseil de l’Europe sur le paysage (20 octobre 2000, adoptée par quarante États. Définition reprise intégralement dans le Code de l’environnement depuis 2016).
I. Le paysage, levier des transitions
Le paysage est un enjeu politique, une affaire locale, un projet sociétal d’ensemble et un facilitateur des transitions, révélant ainsi son rôle central dans la construction d’un avenir durable et inclusif.
Le paysage : un bien commun aux multiples dimensions
Le paysage est bien plus qu’un simple décor. Il constitue le cadre de vie de la population, un élément essentiel qui façonne notre quotidien et notre relation à l’environnement. En tant que bien commun, il appartient à chacun et engage la responsabilité collective de le préserver et de le valoriser.
Il joue également un rôle clé en tant qu’élément de bien-être social, offrant des espaces propices à la détente, à la convivialité et au ressourcement. Par ailleurs, il est un lien culturel fort, porteur de mémoire et d’identité, et agit comme un facteur de cohésion, rassemblant les générations et les communautés autour de leur patrimoine commun.
Sur le plan économique, le paysage est un facteur d’attractivité majeur, tant pour les entreprises que pour les salariés en quête d’un cadre de travail agréable et stimulant. Il constitue aussi un fondement essentiel pour l’économie touristique, attirant visiteurs et amateurs de nature, de patrimoine et d’authenticité.
Enfin, dans un contexte de défis environnementaux croissants, le paysage se révèle être un moyen stratégique pour gérer de manière durable les ressources naturelles et environnementales du territoire. Il contribue à l’équilibre écologique, à la préservation de la biodiversité et à l’adaptation au changement climatique.
Préserver et valoriser nos paysages, c’est investir dans l’avenir et construire un cadre de vie harmonieux et durable pour les générations à venir.
Le paysage, une affaire locale
Façonner le paysage et renforcer la qualité du cadre de vie relèvent de la responsabilité des élus. En étant à l’écoute des habitants et des acteurs économiques, sociaux et environnementaux, les élus disposent d’un levier puissant pour aborder les enjeux de la vie locale. En s’appropriant le paysage et en affirmant une vision ambitieuse, ils deviennent les moteurs des transitions nécessaires, conciliant bien-être, attractivité et durabilité pour leurs territoires.
Le paysage, en évolution constante, se façonne au quotidien par les actions des habitants et des acteurs locaux. Au-delà de l’aménagement et de l’équipement, il offre l’opportunité de créer un territoire harmonieux, choisi plutôt que subi. Plus qu’un élément à protéger, le paysage doit être vivifié, car il ne se réduit ni à un simple décor végétal ni à un accompagnement des infrastructures.
Agir par le paysage : une approche accessible et fédératrice
Le paysage offre une méthode accessible et démocratique, impliquant les citoyens sans nécessiter de connaissances techniques. Il agit comme un levier fédérateur et porteur de sens, unifiant les différents domaines de l’aménagement tout en renforçant la cohérence des politiques publiques.
Opérationnelle et créative, cette approche permet de transformer des objectifs abstraits en expériences concrètes, tout en réalisant des économies significatives. Associé à l’idée du beau et de l’agréable, le paysage rend les transitions positives et mobilisatrices, en les inscrivant dans une dynamique démocratiquement choisie et désirable pour tous.
II. Les maîtres d’ouvrage donnent l’exemple
Les intervenants présentent trois exemples parmi les quinze qu’ils mettent en perspective dans leur « Manifeste du paysage ».
a) La Vallée de la Bruche (Bas-Rhin, Alsace) : agriculture, forêt et biodiversité par le paysage. Marquée par le déclin de l’industrie textile et l’abandon des terres agricoles, la Vallée de la Bruche a vu son paysage se refermer sous l’effet des boisements, notamment des monocultures d’épicéas, réduisant la luminosité naturelle. Une démarche paysagère participative, impliquant les acteurs locaux, a permis de réintroduire des activités agricoles et pastorales. Ce regain d’activité a ouvert à nouveau le paysage, redonnant vie et lumière à ce territoire en transition. Elle a reçu par ailleurs le label « Capitale française de la biodiversité 2022 ».
b) Bordeaux : le modèle des quais se transcrit dans le système des « quartiers apaisés ». L’apaisement s’est appuyé sur la végétalisation des espaces publics et des cours d’école, ainsi que sur une réduction de l’accessibilité automobile ou des vitesses. Malgré les défis liés à la protection du patrimoine classé, le recrutement d’une paysagiste-conseil a permis de concilier exigences techniques et ambitions écologiques, pour créer un cadre de vie harmonieux et durable.
c) Puy Saint André : un « ZAN avant le ZAN » par la méthode paysagère. Cet exemple concerne cette commune limitrophe de Briançon qui compte un peu moins de 500 habitants. Son PLU a été élaboré grâce à une large concertation qui a intégré des ateliers de terrain et des lectures de paysage. Les zones constructibles sont passées de 14 ha à 4 ha et les principes de l’aménagement de ces 4 ha ont été posés lors d’ateliers d’habitants.
III. Les outils d’une politique locale par le paysage
La troisième partie commence par les objectifs de cette méthode ; ensuite sont abordés les compétences et les instruments d’une politique par le paysage ; la présentation finit par une réflexion quant aux sources de financements pour la mise en place de la démarche paysage.
Les objectifs
La démarche des paysages vise à renforcer une connaissance collective et partagée des paysages, tout en définissant des objectifs de qualité et des actions concrètes pour leur préservation et leur transformation. Elle promeut une approche équilibrée, intégrant le sensible et le qualitatif aux analyses quantitatives, tout en impliquant activement les professionnels de l’aménagement et du paysage. En croisant les regards des citoyens, cette démarche participative cherche à transformer durablement les cadres et modes de vie, tout en assurant un suivi constant des évolutions grâce à des outils tels que les observatoires photographiques et les balades paysagères.
Les compétences nécessaires
Pour renforcer la démarche en matière de paysages, il est essentiel de s’appuyer sur des professionnels qualifiés, en augmentant le nombre de paysagistes-concepteurs pour atteindre des standards européens (allemands ou anglais). La formation des acteurs de l’aménagement (urbanistes, architectes, écologues, etc.) doit être soutenue par des stages spécifiques.
Les prestations devraient être rémunérées en fonction du temps dédié aux études et aux concertations, et non uniquement sur la base des travaux réalisés. Par ailleurs, les compétences en paysage doivent être intégrées transversalement dans les collectivités, avec des vacations de conseil en paysage. Enfin, les équipes techniques des CAUE, agences d’urbanisme, Parcs naturels régionaux et Grands Sites de France doivent être pleinement mobilisées pour accompagner cette dynamique.
Les instruments
Les outils de la démarche paysage reposent sur plusieurs leviers clés. Il s’agit d’abord de renforcer les outils de connaissance locale, tels que les atlas de paysage et les observatoires photographiques, pour mieux documenter les dynamiques paysagères.
Ensuite, l’élaboration des documents d’urbanisme et de planification (SCoT, PLUi, PCAET, PAT, chartes forestières, etc.) doit intégrer la « méthode paysage », favorisant une approche transversale, mieux spatialisée, partagée et adaptée aux spécificités locales.
Les plans de paysage doivent se multiplier pour traduire ces stratégies en actions concrètes et concertées, requalifiant les espaces de vie tout en s’intégrant dans les démarches de planification. Pour garantir leur pérennité, ils doivent bénéficier d’un soutien en ingénierie adapté et d’une reconnaissance nationale, notamment par la mise en réseau des initiatives. Les éditions des appels à projet de l’ADEME dans le domaine des plans de paysage à vocation de transition (énergétique et écologique) sont à saluer en cette matière.
Des sources de financement
Les financements de la démarche paysage reposent sur deux axes complémentaires. D’une part, la méthode elle-même génère des économies significatives en évitant des erreurs coûteuses, comme le repositionnement d’équipements mal implantés. Elle valorise les lieux emblématiques, tels que les Grands Sites de France, mais aussi le paysage ordinaire, contribuant à maintenir la France comme première destination touristique mondiale. Par ailleurs, l’harmonie paysagère qu’elle promeut apaise les tensions locales et favorise le bien-être des habitants (moins de dépenses prévisibles pour la sécurité sociale).
D’autre part, il est indispensable d’augmenter la part des budgets publics consacrés à la méthode paysage, notamment dans le cadre des financements « paysage, eau et biodiversité ». Les régions et départements doivent également être mobilisés pour soutenir le développement des compétences en paysage. Une conditionnalité pourrait être introduite, liant l’attribution des financements déconcentrés à l’application de la méthode par les collectivités, bien que cette approche ait été fragilisée par les contraintes budgétaires pesant sur le « Fonds vert » actuellement.
Enfin, des financements complémentaires peuvent être obtenus auprès des régions, des fonds européens et des départements, notamment via des dispositifs dédiés aux espaces naturels sensibles.
Ressources complémentaires :
- Le Manifeste du paysage destiné aux élu·es (support de la présentation montré lors du webinaire de la FEVE)
- Liens vers les 8 alliés du Réseau des Acteurs du Paysage :
- Fédération Française du Paysage FFP
- Collectif Paysages de l’après-pétrole PAP
- Association des paysagistes-conseils de l’État APCE
- Fédération nationale des CAUE (conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement)
- Fédération nationale des agences d’urbanisme FNAU
- Fédération des Parcs naturels régionaux de France
- Fédération Nationale des SCoT
- Réseau des Grands Sites de France
- Brochure « Réaliser la transition énergétique par le paysage » – ADEME, 06/2024
- Référence bibliographique : Pierre Leroy, « Passage délicat, penser et panser le territoire », Actes Sud 2021
- Parution de la nouvelle méthode nationale des Atlas de Paysages (novembre 2024)
- Site internet « Objectif paysages » du ministère de la Transition écologique (…)
- Appel à projets Plans de paysages : l’édition 2024 (pour info puisque clôturé en juin 2024)
- Grand Prix National du Paysage 2024
- Article: La communauté de communes de la Vallée de Bruche est élue « Capitale française de la Biodiversité 2022 »
- Le numéro spécial 5 de la revue Urbanisme présente le lauréat : le plan de paysage du SCoT de l’agglomération messine (SCoTAM) ; avec une mention spéciale au projet de rénovation urbaine du quartier Louvois, à Vélizy-Villacoublay (Yvelines), et deux autres projets finalistes.
La vidéo :