
Inscrivez-vous à ce moment d’échanges autour de la réforme du statut de l’élu·e local·e, avec Guy Benarroche, sénateur des Bouches-du-Rhône (sous réserve) et Catherine Hervieu, députée de la Côte-d’Or.

Retrouvez-nous le jeudi 19 juin à 20h, en visio, pour comprendre les propositions débattues à l’Assemblée nationale et échanger sur les problématiques concrètes du terrain.
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Le statut de l’élu·e local·e : un chantier inachevé au cœur de la démocratie locale
Malgré des avancées successives depuis les lois de décentralisation de 1982, la France ne s’est toujours pas dotée d’un véritable statut unifié de l’élu·e local·e. À ce jour, les textes régissant l’exercice du mandat local sont épars, dispersés entre plusieurs codes (CGCT, code électoral, etc.), difficilement accessibles pour les non-juristes. La charte de l’élu local, introduite en 2015, n’a pas suffi à structurer un ensemble cohérent. Résultat : les droits, devoirs, garanties et moyens d’action des élu·es locaux·ales restent fragmentés, inégalement connus, et souvent peu adaptés aux réalités contemporaines du mandat.
Pourtant, la nécessité d’un statut clair, lisible et protecteur fait largement consensus. Une proposition de loi, votée à l’unanimité au Sénat en 2024, pourrait enfin voir le jour, à condition que l’exécutif engage son examen à l’Assemblée nationale – a priori dès le 30 juin 2025 – avec l’objectif d’une adoption avant la fin de l’année. Cette réforme est perçue comme indispensable à quelques mois des municipales de 2026, tant les mandats locaux se sont complexifiés, intensifiés et précarisés. En témoignent les 2 382 démissions de maires recensées à l’automne 2024, et les nombreuses démissions silencieuses de conseiller·ères municipaux·ales, souvent absent·es ou désengagé·es, faute de reconnaissance, de protection ou de conditions d’exercice satisfaisantes.
Un tel statut permettrait à la fois d’encourager les vocations et de redonner confiance aux élu·es en clarifiant leurs droits et obligations : articulation avec la vie professionnelle, protection fonctionnelle, validation des acquis de l’expérience, règles déontologiques, indemnités, congés, droit à la formation ou encore accompagnement à la fin du mandat. Il ne s’agit pas de « professionnaliser » les élu·es, mais de leur donner les moyens d’exercer efficacement leur mandat, tout en intégrant mieux les citoyen·nes à la vie publique locale.
Mais le futur texte présente aussi des limites. Il semble taillé d’abord pour les maires, un peu moins pour leurs adjoints, et très peu pour les élus sans délégation. Ce déséquilibre pourrait nourrir un sentiment d’injustice ou de déclassement chez ces « simples » conseiller·ères municipaux·ales, pourtant indispensables au bon fonctionnement de la démocratie locale. Ce malaise, s’il n’est pas traité, pourrait aggraver la crise des vocations, déjà visible avec des communes sans candidat·es aux dernières municipales, et fragiliser encore davantage les fondements du système représentatif.
Par ailleurs, la question des devoirs des élu·es reste souvent reléguée au second plan. Or, les risques de conflits d’intérêts, les attentes en matière d’éthique et de transparence, les règles encadrant les frais de mandat ou les invitations demeurent insuffisamment encadrés, notamment dans les petites communes. L’instauration d’un référent “droits et obligations de l’élu·e”, mutualisé à l’échelle intercommunale ou départementale, permettrait à la fois de sécuriser les élus et de rassurer les citoyens.
Enfin, au-delà du statut, se pose la question plus large de la reconquête démocratique. Le lien entre citoyens et élus s’est distendu, malgré la multiplication d’initiatives de démocratie participative, souvent portées par une minorité active. Le statut ne peut, à lui seul, inverser la tendance à l’abstention ou au désintérêt. Mais il peut en constituer un levier symbolique et pratique fort. À condition qu’il s’accompagne d’un renforcement des droits collectifs des élu·es – notamment ceux des minorités – et d’un soutien effectif à l’engagement civique sous toutes ses formes.
La réussite du mandat municipal 2026-2032 dépendra en grande partie de cette capacité à bâtir une démocratie locale plus lisible, plus accessible et plus respectueuse de celles et ceux qui s’y engagent.
🏛️ Proposition de loi sur le statut de l’élu local : synthèse des mesures clés
1. Reconnaissance de l’engagement des élus locaux
- Revalorisation des indemnités de fonction : Augmentation des indemnités pour les maires, avec une indexation sur l’inflation, afin de mieux reconnaître leur engagement.
- Extension des règles d’indemnisation : Application aux adjoints de la règle fixant les indemnités au maximum légal, sauf délibération contraire du conseil municipal.
- Amélioration du régime de retraite : Bonification d’un trimestre par mandat complet pour les élu·es locaux·ales, avec une limite de huit trimestres.
- Soutien financier accru aux communes : Élargissement de l’éligibilité à la dotation particulière « élu local » aux communes jusqu’à 3 500 habitants, avec une augmentation des crédits correspondants.
2. Amélioration des conditions d’exercice du mandat
- Prise en charge des frais liés au mandat :
- Remboursement obligatoire des frais de transport pour les élu·es se rendant à des réunions officielles hors de leur commune.
- Prise en charge des frais de représentation pour les présidents de conseils départementaux et régionaux, similaire à celle des maires.
- Utilisation de la visioconférence : Autorisation pour les maires de recourir à la visioconférence pour les réunions des commissions municipales, selon les modalités définies par le règlement intérieur.
- Conciliation avec la vie professionnelle :
- Doublement des jours d’autorisation d’absence pour les candidat·es aux élections locales, passant de 10 à 20 jours.
- Facilitation des autorisations d’absence pour les maires, notamment en cas de situations d’urgence ou pour la participation à des réunions intercommunales stratégiques.
- Création d’un label « Employeur partenaire de la démocratie locale » pour encourager les entreprises à soutenir l’engagement de leurs salariés élus locaux.
- Soutien aux élus étudiants et en situation de handicap :
- Mise en place d’un statut de l’élu·e étudiant·e, avec des aménagements spécifiques pour concilier études et mandat.
- Mesures pour faciliter l’engagement et l’exercice du mandat pour les personnes en situation de handicap, incluant la prise en charge des frais spécifiques liés à leur handicap.
- Renforcement de la formation des élu·es :
- Ouverture des formations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) aux élus des communes de moins de 3 500 habitants.
- Augmentation de la durée maximale du congé de formation des élu·es de 18 à 24 jours.
3. Facilitation de la conciliation entre mandat et vie personnelle
- Prise en charge des frais de garde : Extension de la compensation par l’État des frais de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées ou en situation de handicap aux communes de moins de 10 000 habitants.
- Cumul des indemnités en cas d’arrêt de travail : Autorisation pour les élu·es de cumuler indemnités journalières et indemnités de fonction en cas de congé maladie, maternité ou paternité, sous certaines conditions.
4. Renforcement de la protection et de la déontologie des élus
- Clarification du délit de prise illégale d’intérêt : Précision que l’interférence entre deux intérêts publics ne constitue pas une infraction, afin de protéger les élu·es dans l’exercice de leurs fonctions.
- Octroi automatique de la protection fonctionnelle : Extension de cette protection à tous·tes les élu·es locaux·ales victimes de violences, menaces ou outrages, avec une compensation partielle ou totale des frais par l’État.
- Engagement aux valeurs républicaines : Inclusion dans la Charte de l’élu local d’une référence aux valeurs de la République, avec un engagement public des nouveaux élus à les respecter.
- Obligations déontologiques renforcées : Introduction d’une obligation pour les élu·es de déclarer les dons, avantages et invitations d’une valeur supérieure à 150 euros reçus dans le cadre de leur mandat.
5. Sécurisation de la sortie de mandat
- Reconnaissance symbolique de l’engagement : Réduction de la durée requise pour bénéficier de l’honorariat municipal à 12 ans, correspondant à deux mandats complets.
- Accompagnement à la reconversion professionnelle :
Réalisation automatique d’un bilan de compétences et d’une démarche de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les maires et adjoints en fin de mandat.
Création d’une certification professionnelle des compétences acquises pendant le mandat, facilitant l’accès à la fonction publique territoriale. - Amélioration de l’allocation de fin de mandat (ADFM) : Extension de l’ADFM à tous les maires de communes de 500 habitants ou plus et aux adjoints de communes de 3 500 habitant·es ou plus, avec un accompagnement renforcé inspiré des contrats de sécurisation professionnelle.