Nous, élu•es écologistes, en charge des finances de nombreuses collectivités locales ou intercommunalités, nous opposons fermement aux mesures de réduction budgétaire que le gouvernement Barnier souhaite imposer aux collectivités territoriales.
Avec les moyens et les pouvoirs limités qui leur sont accordés, et dans le principe de libre administration reconnue constitutionnellement, les collectivités territoriales votent des budgets de fonctionnement à l’équilibre pour réaliser 70 % de l’investissement public local et rendent des services publics de proximité indispensables au maintien de la cohésion et de l’équité de notre société. Au quotidien, ce sont les collectivités territoriales qui financent transports en commun, cantines, crèches, aides aux personnes en situation de handicap, EHPAD, gestion de l’eau potable, assainissement, services d’incendie et de secours, subventions aux associations… Ce sont aussi les collectivités qui investissent pour construire et entretenir les équipements nécessaires à la qualité de vie des Françaises et des Français : écoles, gymnases, pistes cyclables, trottoirs, piscines, théâtres, musées…
Les collectivités représentent une part faible des dépenses publiques, car notre pays reste encore insuffisamment décentralisé, notamment au regard de nos voisins européens Leurs dépenses ne représentent que 12 % de la richesse du pays, alors que la moyenne dans l’Union européenne est de 17,9 % du produit intérieur brut. Le retard de la France de ce point de vue est donc manifeste.
Nos budgets ont été mis à rude épreuve depuis plusieurs années. Covid, inflation, disparition de la taxe d’habitation, dilution de la relation fiscale avec les habitant•es, fin de la CVAE, chute des DMTO, centralisation des recettes ont fragilisé l’autonomie d’action des collectivités. La non-indexation des dotations locales sur l’inflation représente près de 1,3 milliards en 2023 et de plus de 500 millions d’euros en 2024. Autant de contributions contraintes des collectivités à la réduction du déficit public depuis plusieurs années ! De nombƒreuses collectivités de toutes tailles ont déjà dû, de fait, reporter des investissements, réduire des services publics et souvent augmenter la taxe foncière. Il est urgent de rompre cette logique. Pour relever les défis de la transition et garantir les services publics locaux nous appelons à une vraie décentralisation des moyens et de la fiscalité, qui garantisse une réelle autonomie des collectivités.
La conséquence des ponctions budgétaires et des diminutions de crédits annoncées par le gouvernement Barnier c’est priver d’environ 9 milliards d’euros les collectivités territoriales1. C’est réduire ou supprimer les services publics rendus à nos concitoyen•nes, et donc, faire le lit des idées d’extrême droite. C’est freiner ou stopper les investissements nécessaires à la lutte et à l’adaptation au dérèglement climatique, et donc, condamner les générations futures. Nous ne pouvons en tant qu’élu•es écologistes, accepter de nous y résoudre ! Concrètement pour Lyon, cela représenterait jusqu’à 25 millions d’euros de baisses de recettes en 2025, 16 millions pour Bordeaux, 14 millions pour Strasbourg, 12,5 millions pour Grenoble, 7 millions pour Tours, 5,1 millions pour Besançon, 4,2 millions pour Colombes… Ce serait également 100 millions d’euros de baisses de recettes pour le Grand Lyon, 60 millions pour Bordeaux Métropole, 7 millions pour Grand Poitiers ! En cette fin de mandat, alors que les projets sont programmés et en partie engagés, priver les collectivités de leurs ressources propres pourrait avoir comme conséquence de créer plus de dette alors même que l’objectif est de la réduire.
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, le déficit budgétaire de l’État s’est aggravé ! Les cadeaux fiscaux aux plus riches ont couté 61 milliards d’euros, sans rien apporter à l’intérêt général et sans résoudre les crises sociale, économique et environnementale. La politique de « l’offre » a été coûteuse, accompagnée de dépenses inutiles. La mauvaise gestion budgétaire récente explique le déficit actuel de 6,1% du PIB.
Une démocratie mature a besoin de stabilité, de confiance et de transparence entre les collectivités et l’État. Or nous assistons depuis plusieurs mandatures à une volonté de recentralisation et une volatilité des dispositifs (ex. Fonds Vert). Nous appelons à une loi de programmation spécifique et pluriannuelle dédiée aux collectivités locales pour rétablir un dialogue sain et serein avec l’État.
Le dérèglement climatique, l’atteinte des limites planétaires, et la montée des inégalités obligent à repenser en profondeur nos actions collectives, l’organisation de l’État et nos finances. Dans ce contexte, l’échelle des collectivités est la bonne pour apporter des réponses pertinentes aux défis de notre temps. Fragiliser la capacité d’action des collectivités dans cette période apparait comme une faute politique lourde de conséquences, qu’il est encore temps de corriger !
Nous appelons l’Assemblée nationale et le Sénat à refuser les propositions du gouvernement concernant les baisses de recettes des collectivités territoriales : l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyen•nes et les investissements nécessaires à la préparation de l’avenir sont en jeu !
Premiers signataires :
- Audrey Hénocque, première adjointe au maire de Lyon, en charge des finances et de la culture ;
- Syamak Agha Babaei, premier adjoint à la maire de Strasbourg et vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg, en charge des finances ;
- Claudine Bichet, première adjointe au maire de Bordeaux, chargée des finances, du défi climatique, et de l’égalité femmes-hommes ;
- Frédéric Miniou, adjoint au maire de Tours, délégué aux finances et marges de manœuvres, aux investissements productifs et au conseil en gestion ;
- Anthony Poulin, adjoint à la maire de Besançon, en charge des finances, de la commande publique, de la mise en œuvre des objectifs de développement durable, de la coordination des actions en matière de résilience ;
- Robert Rochaud, adjoint à la maire de Poitiers, en charge du budget et des finances, membre du comité des finances locales ;
- Cecilia Aladro, conseillère municipale de Colombes, déléguée aux finances et au budget ;
- Vincent Fristot, adjoint au maire de Grenoble, chargé des Finances, de la Transition énergétique, du Contentieux ;
- Matthieu Theurier, conseiller municipal de Rennes, délégué aux finances et à l’administration générale ;
- Bertrand Artigny, 9ème vice-président de la Métropole de Lyon, délégué aux finances, à l’évaluation et au suiv de la politique budgétaire, à l’évaluation des politiques publiques ;
- Ludovic Sot, adjoint au maire d’Arcueil, en charge des finances, de la prévention et de la sécurité ;
- Marion Barraud, conseillère municipale de Clermont-Ferrand, déléguée au budget participatif, au partenariat financier, au mécénat et à l’optimisation des recettes ;
- Grégory Doucet, maire de Lyon ;
- Claire Masson, maire d’Auray, membre suppléante du comité des finances locale ;
- Christian Métairie, maire d’Arcueil, membre du bureau exécutif de l’Association des Maires de France ;
- Michel Procureur, adjoint au maire de Bressey-sur-Tille, en charge des finances et de l’environnement ;
- Catherine Candelier, présidente de la Fédération des élu•es Verts et Écologistes (FEVE) ;
- Philippe Lecomte, conseiller municipal de Fresnes, délégué au budget, aux finances, aux travaux et suivi des ADAP ;
- Jean-Luc Lancelevée adjoint au maire de Carbon-Blanc, en charge des finances et du développement économique, de l’économie sociale et solidaire
- Vincent Boileau, conseiller municipal d’Orvault, délégué à la précarité sociale, et conseiller métropolitain
- D’un côté, un prélèvement de 5 milliards d’euros sur les recettes des collectivités en 2025 (ponction de 3 milliards, gel de la TVA de 1,2 milliard, réduction du Fonds de compensation de la TVA de 800 millions); de l’autre, des baisses de dotation annoncées par le gouvernement (1,5 milliard d’euros pour le fonds vert), et également une hausse des cotisations à la CNRACL (1,5 milliard) et la non indexation de la DGF sur l’inflation (soit une perte d’environ 500 millions d’euros). ↩︎