RÉFORME TERRITORIALE

vendredi mai 29, 2015

Loi NOTRe : le point avec Ronan Dantec

Le 26 mai 2015, le projet de loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est revenu au Sénat en 2e lecture. A cette occasion, la FEVE fait le point avec Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, chef de file du groupe Ecologiste du Sénat sur ce texte.

Dans quel état d’esprit le groupe écologiste au Sénat a-t-il abordé initialement le débat ?

Ronan Dantec : Nos objectifs s’articulaient autour de deux grands axes que l’on retrouve dans la contribution FEVE sur le sujet. Le premier était que cette réforme permette d’assurer un meilleur équilibre des territoires, en s’appuyant sur des régions fortes, seules à même d’imposer une redistribution au sein de leurs propres territoires, entre les plus riches et les plus fragiles d’entre eux. L’autre axe était que le projet de loi puisse contribuer à renforcer la démocratie locale et régionale. Cela demandait une simplification du mille-feuille territorial et une répartition plus lisible des responsabilités de chaque collectivité. Clarté encore, en prônant un mode de consultation direct, proportionnel, et qui soit le même pour toutes les élections locales : c’était, selon nous, la condition qui permettrait la représentation de toutes les sensibilités dans les collectivités, ainsi que la parité et la diversité.

Quel peut être le bilan d’étape après la première lecture au Sénat ?

Ronan Dantec : Quelques gains notables, des déceptions et de fortes marges de progression qui subsistent : cela a motivé, au final, le choix de l’abstention par les écologistes, à l’issu de la première lecture au Sénat. Avec 56 amendements à notre actif, nous avons pu défendre des propositions fortes sur le volet « démocratie locale », le renforcement des régions, l’autonomie financière des collectivités et la nécessité d’une décentralisation différenciée. Mais si des avancées ont été obtenues, force est de constater par ailleurs que le texte contient des aberrations, des articles vidés de leur sens, des transferts aux régions supprimés exprimant un mode de défense excessif de la part des départements qui n’étaient plus menacés.

Des exemples d’avancées concrètes dues aux écologistes ?

Ronan Dantec : En ce qui concerne les communes et les communautés de communes, par exemple, un de nos amendements a créé un nouveau chapitre dans la loi intitulé « Dispositions relatives à la démocratie communale et intercommunale ». Il étend l’application des droits de l’opposition dans les communes et intercommunalités à partir de 1 000 habitants : c’est une avancée pour les droits des élu-es locaux/ales.
En matière de compétences des régions, l’économie circulaire fait son entrée dans le texte grâce à une proposition des écologistes, avec une prise en compte dans les futurs plans régionaux de prévention et de gestion des déchets. Plusieurs amendements écologistes adoptés permettent aux régions de conserver leurs capacités d’action en matière de coopération décentralisée et d’action extérieure, de soutien aux politiques éducatives. Pour la culture, grâce au travail de Marie-Christine Blandin, les régions se trouvent confortées dans le développement de leurs politiques culturelles.

…et des déceptions notables ?

Ronan Dantec : Sur la question des compétences régionales, le projet de loi qui sort du Sénat est en net recul par rapport au texte initial du gouvernement. La compétence transport, par exemple, doit être clairement assumée par les régions, des transports collectifs aux infrastructures. Nous avions également porté la proposition d’un bicamérisme régional, une chambre élue au suffrage universel direct, l’autre par les territoires – à la place du couple conseil départemental/conseil régional. Je regrette que cette idée ait été totalement balayée, il y avait place pour expérimenter et approfondir, mais je m’engage à redéposer des amendements en ce sens.
Afin d’éviter que des territoires ne soient marginalisés dans les grandes régions, il apparaissait logique de renforcer la taille des intercommunalités, ce que la majorité sénatoriale a refusé. Pour une meilleure mutualisation des actions, les intercommunalités doivent correspondre à de vrais bassins de vie : je regrette que le Sénat ait choisi de maintenir une carte pourtant souvent aberrante et peu adaptée à l’action publique.
Nous avons aussi redit que le scrutin actuel pour les intercommunalités est inégalitaire et conforte le sentiment de relégation dans les communes périphériques. Un président d’intercommunalité élu au suffrage direct serait plus fort pour défendre son territoire. Le Sénat est ici en retard sur les territoires, souvent prêts à avancer plus vite sur le périmètre, les mutualisations, et même le scrutin direct, qui n’est pas un sujet tabou.
Sur la baisse des dotations de l’Etat, le groupe écologiste a redit son opposition. Elle est en effet très néfaste en période de crise pour le maintien de l’emploi sur nos territoires. Une véritable réforme de la dotation générale de fonctionnement est incontournable. Elle doit être plus lisible, prédictible et juste.

La 2e lecture à l’Assemblée a-t-elle permis des avancées ? Qu’attendez-vous de cette 2e lecture au Sénat ?

Ronan Dantec : La 2e lecture à l’Assemblée a permis, notamment, de rétablir certains articles que le Sénat avait supprimés en 1re lecture. J’espérais donc qu’ils passeraient cette fois au Sénat. Malheureusement, la commission des Lois en a décidé autrement. C’est le cas notamment de l’article qui instaurait le suffrage universel direct pour les élections dans les métropoles et les communautés urbaines ou de communes. Pourtant, la plupart des sénateurs/trices sont ou ont été élu-es locaux/les. Je ne comprends donc pas qu’ils refusent une avancée qui va dans le sens de la reconnaissance des réalités des territoires vécus, des véritables bassins de vie, et de l’égalité démocratique entre les citoyens.
Après le passage en commission des Lois, on a donc un projet de loi a minima qui refuse clairement tout changement. Pourtant, nous avions l’occasion de tenter donner de la cohérence dans l’exercice des compétences par les différents niveaux de collectivités en confiant l’économie aux régions, la solidarité aux départements et les services publics de proximité au bloc communal. Nous aurions pu donner aux régions la voirie, les ports ou les lignes ferroviaires pour permettre de donner la cohérence nécessaire aux politiques de mobilité. Autre exemple parmi les incohérences du texte ainsi remanié : le refus d’inclure dans le schéma d’aménagement du territoire (le SRADDET) l’environnement et la protection de la biodiversité.
Bref, malgré les avancées réelles initiales de cette loi, sur les schémas prescriptifs régionaux et le renforcement des intercommunalités, le groupe écologiste aborde cette deuxième lecture avec un sentiment d’occasion manquée.
Cela ne nous empêchera pas de défendre des amendements qui, nous l’espérons, seront adoptés afin de renforcer la démocratie locale et l’efficacité de l’action publique.