FICHES PRATIQUES MUNICIPALES

mercredi août 15, 2018

Les ambassadeurs et ambassadrices citoyen-nes de la santé à Lille

Sous l’impulsion de l’élu écologiste Jérémie Crépel, la ville de Lille a lancé une politique de formation d’ambassadeurs et d’ambassadrices de la santé dans les quartiers prioritaires.
Cette politique de démocratie sanitaire et d’émancipation s’appuie sur des principes d’autonomisation et d’expertise citoyenne.
Elle donne le pouvoir d’agir à des bénévoles engagé-es sur la santé grâce à des formations et un budget participatif.

Jérémie Crépel
Conseiller municipal délégué à la santé à Lille
jeremiecrepel.eelv@gmail.com

Les habitant-es, expert-es de leur santé

Les politiques de prévention santé manquent souvent leur objectif car elles ne prennent pas en compte les attentes des habitant-es. Les priorités sont fixées uniquement par des professionnels de santé et les messages ne sont pas forcément adaptés aux destinataires. Pourtant, les habitant-es connaissent les déterminants de santé et formulent des besoins qui échappent aux institutions. À Lille, leur parole a fait émerger des besoins sur la parentalité, la vaccination ou l’accès à une mutuelle et soulevé des problématiques comme le refus de soin de professionnels de santé à l’égard des bénéficiaires CMU ou les problèmes de qualité de l’air intérieur dans les logements sociaux. Les messages de prévention co-élaborés avec des habitant-es au plus près du terrain sont mieux entendus.

Favoriser l’accès à la santé de toutes et tous

Une partie des habitant-es parmi les plus précaires restent en dehors des actions de prévention et d’accès au soin car ils/elles sont isolé-es, ne maîtrisent pas la langue, ne connaissent pas les dispositifs ou ne s’en saisissent pas. Certain-es ne se rendent jamais dans les centres sociaux, en PMI ou dans les Centres communaux d’action sociale (CCAS). Les ambassadeurs et ambassadrices santé permettent d’aller à la rencontre de cette population. Leur présence rassure les habitant-es qui n’oseraient pas participer aux actions de prévention ou de dépistage. Leur parole, aux côtés des professionnels de santé, accroît l’impact du message.

Donner le pouvoir d’agir

Si les problèmes de santé constituent un important facteur d’exclusion sociale, les questions de santé peuvent être un moteur d’investissement de la citoyenneté et d’émancipation. Les personnes qui se sont investies dans le programme des ambassadeurs santé étaient parfois isolées, sans-papier, exclues. En participant aux actions santé, elles ont retrouvé du lien social, de la solidarité et retrouvé du pouvoir sur leur vie. Aujourd’hui, elles souhaitent rendre ce qu’elles ont reçu en étant des personnes ressources pour les autres habitant- es. Citoyen-nes engagé-es formé-es à l’écoute active et à l’accès au droit, les ambassadrices et ambassadeurs santé ont un vrai pourvoir d’agir. Ils/elles prennent la parole en réunion aux côtés des élu-es, des technicien-nes, des associations, des professionnel-les de santé, des représentant-es de l’assurance maladie, de la préfecture, de l’agence régionale de santé… Ils/elles ont pu rencontrer la présidente de l’ordre des médecins pour lui exposer des cas concrets de discriminations et travaillent maintenant avec le Défenseur des droits à l’écriture d’un guide. Depuis 2018, 15 % du budget santé de la ville est dédié à des actions de formation et de prévention initiées par les ambassadrices et ambassadeurs de la santé :

  • mieux manger,
  • prévenir et gérer le diabète,
  • soutenir les jeunes parents,
  • se former sur la santé sexuelle ou la qualité de l’air intérieur,
  • travailler sur le bien-être et gérer le stress grâce à la sophrologie ou l’activité physique,
  • apprendre les gestes de premier secours…
Le conseil : lâcher prise

Impliquer les habitant-es, c’est un esprit plus qu’un dispositif.
Il faut accepter de perdre du pouvoir, de tâtonner parfois. Mais ce que vous perdrez en maîtrise, vous le gagnerez en implication des habitant-es dans des actions de prévention qui auront plus d’impact. Adaptez en permanence votre fonctionnement
et votre politique à ce qui se passe sur le terrain. N’oubliez pas non plus de mettre dans la boucle les organes de démocratie participative existant dans votre ville.
Feuille de route

1. Appuyez-vous sur les structures déjà investies sur le champ de la prévention santé (centres sociaux, maisons de quartiers, maisons de jeunes, centres de santé ou de prévention, CCAS, associations de lutte contre l’exclusion…) À Lille, nous nous sommes appuyés sur des structures reconnues comme pôles ressources santé de leur quartier, avec un temps de coordination financé par appel à projet.

2. Au sein de ces structures, organisez des rencontres avec les habitant-es, afin de faire émerger leurs attentes et leurs besoins. Évitez tout discours descendant et utilisez des outils d’expression participatifs (photo-langage, workshop café…). Prévoyez un budget pour monter des actions avec les habitant-es intéressé-es.

3. Proposez des formations aux habitant-es pour devenir personne-relai sur la santé. Ces formations peuvent traiter de l’écoute active, des ressources locales, de l’accès au droit ou de thèmes spécifiques. Co-construisez cette formation avec les habitant-es (temps, horaires, contenus…).

4. Faites participer les ambassadeurs et ambassadrices santé aux actions de prévention en leur donnant un vrai rôle. Invitez-les également à participer aux comités de pilotage importants. Proposez à vos partenaires de les rencontrer et de les associer à leurs actions.

5. Créez un budget participatif au sein de vos actions de prévention pour des actions proposées par les ambassadrices et ambassadeurs de la santé. Accompagnez-les dans l’écriture et la réalisation de leurs projets.

Des citoyen-nes engagé-es et bénévoles

Contrairement aux médiateur-trices santé qui bénéficient de contrat d’insertion, les ambassadeurs et ambas- sadrices santés sont des personnes-relais bénévoles engagées sur les questions de santé. Elles restent libres du temps qu’elles veulent donner et de leur implication.
En chiffres

  • Plus de 50 ambassadeurs/rices formées en deux ans à l’écoute active et à l’accès aux droits. (Budget : 5000 euros par an)
  • 15 % du budget de prévention santé en budget participatif (soit 25 000 euros) en 2018.
  • 5 pôles ressources santé qui coordonnent la prévention santé dans les quartiers prioritaires. (Appel à projet 40 000 euros)
  • 1 coordinatrice des pôles ressources santé dans la ville de Lille (financement atelier santé ville)
    Au total, 50 % du budget santé est consacré à cette politique soit 70 000 euros.

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